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Pape François : Le Nom de Dieu est Miséricorde



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Le Nom de Dieu est Miséricorde,
Pape François

Conversation avec Andrea Tornielli suivie de Misericordiae Vultus, Bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la Miséricorde.
Robert Laffont / Presses de la Renaissance 2016, 168 pages.

« Tu T’es penché sur nos blessures et Tu nous as guéris,
en nous donnant un remède plus puissant que nos plaies,
une miséricorde plus grande que notre faute.
Ainsi en vertu de Ton amour invincible,
Même le péché a servi à nous élever à la vie divine »

Extrait d’une introduction à la prière eucharistique de la liturgie ambrosienne (rite assez proche du rite romain, en vigueur dans le diocèse de Milan et dans trois vallées du Tessin, en Suisse, Cité p. 56

En ce jubilé de la Miséricorde, inauguré le 8 décembre dernier à l’occasion du 50e anniversaire de la clôture du Concile Vatican II, le Pape François nous ouvre son cœur pour nous inviter, avec force et douceur, à demander et à recevoir cette grâce de la miséricorde pour en vivre à plein bord et en témoigner par une charité contagieuse, une charité incarnée capable non seulement de se laisser touchée par les personnes blessées, mais encore de témoigner de cet Amour sans mesure (p. 107) qui dévore le cœur de Dieu. Car aux maladies sociales qui frappent tant d’hommes et de femmes, au relativisme qui anesthésie le sens du péché, « s’ajoute aujourd’hui le fait dramatique de considérer […] notre péché comme incurable, comme quelque chose qui ne peut être ni guéri ni pardonné. Ce qui fait défaut c’est l’expérience concrète de la miséricorde. La fragilité des temps où nous vivions, c’est aussi cela : croire qu’il n’existe aucune possibilité de rachat, une main qui t’aide à te relever, une étreinte qui te sauve, te pardonne, te soulage, t’inonde d’un amour infini, patient, indulgent et te permet de reprendre la route. » (p. 37)
Comment alors présenter succinctement ces propos qui s’offrent eux-mêmes comme un libre commentaire de la bulle d’indiction ?
Tout est dans le titre, calligraphié de la main même du Pape. Servie par la déférente hardiesse d’un questionnement bienveillant, celui d’Andrea Tornielli, le Pape François nous livre à ce sujet son expérience, la façon dont Dieu l’a initié à ce mystère, puis confirmé dans son ministère au service de la miséricorde du Père. En auditeur attentif, en effet, Tornielli, qui nous avait déjà offert une brève biographie du Pape, avait déjà remarqué combien la miséricorde était, depuis le début, au cœur de sa prédication notamment lors d’une mémorable homélie sur le pardon accordé à la femme adultère, largement rappelée en préambule de l’entretien. Le Saint Père l’avait alors présentée comme cette « caresse » de Dieu qui relève l’humanité blessée, écrasée par son péché, humiliée par le regard mauvais des satisfaits…
En à peine cent page de conversation, rapporté avec des mots simples, en gros caractères comme pour ne point intimider ou décourager ceux qui en auraient le plus besoin, l’entretien se mue au fil des pages en un frémissant hommage à ceux qui, illustres ou inconnus, ont donné à notre Pape de s’ouvrir en profondeur, de faire personnellement l’expérience de la miséricorde, par l’humilité de leur foi et leur reconnaissance émerveillée devant l’inlassable Bonté de Dieu. Ici point de techniques élaborations théologiques, point de longues exégèses, point d’amples synthèses doctrinales : un concentré de sagesse et de vie, une gratitude sans limite pour ceux qui lui ont ainsi permis d’en être naguère le premier bénéficiaire et aujourd’hui encore le premier dispensateur…
Parce que « Dieu est miséricorde », parce que la miséricorde est le « premier attribut de Dieu », parce que « la miséricorde est le nom de Dieu » (p. 106), François se fait donc l’interprète de ce Dieu qui nous aime en Père avec des entrailles de mère (p. 114) et ne peut se résoudre à voir les uns se perdre couverts de plaies et les autres s’endurcir dans l’aveuglement et l’ignorance de leur péché au risque de sombrer dans un enfermement plus terrible encore et source de scandale pour les faibles, les mal-croyants, tous ceux qui, cherchant Dieu à tâtons, titubent et tombent en cette vie… L’Eglise est un « hôpital de campagne » et non un « pressing » (p. 48)
Oui ! Divine attitude que la miséricorde ! (p. 113) Incommensurable à la compassion, elle déborde également de tout côté la grâce du pardon, pour toucher notre cœur de pierre d’abord comme un « rai de lumière ». Nous lui permettons déjà de fleurir en nous reconnaissant pécheur, sans peur et sans fausse pudeur, avec ce regret sincère, ce remord, cette « honte » salutaire (p. 31 ; 49) qui confesse tout autant nos fermetures à l’amour que cet Amour toujours plus grand qui nous précède et nous presse, avec cette chaste insistance, qui tout à la fois nous talonne, vient à nos devants et nous attend…
Reconnaître son péché est une grâce (p. 54) qui nous préserve déjà de la corruption (101-103) cette posture délétère qui consiste au contraire à « lécher ses plaies », à se composer une façade, à cultiver « la bonne conscience » par une piété aveugle au prochain qui l’exploite de façon … éhontée. (p. 65-66)… « Pécheurs, oui ; corrompus, non » !
Invitation à bénéficier soi-même du sacrement de réconciliation, à ouvrir les yeux sur les détresses cachées, à l’« apostolat de l’oreille » (p. 39 ; 122), à la prière, à devenir très concrètement relais (p. 115) de cet amour qui désire se faire si accessible, si accueillant à toute misère. Invitation à en vivre pour en témoigner, à notre insu, au ras de nos journées, car « l’amour ne peut jamais être un mot abstrait. Par nature, il est vie concrète : intentions, attitudes, comportements qui se vérifient dans l’agir quotidien. » (Misericordiae vultus n°9)
On ne peut donc que se féliciter, pour terminer, de l’initiative de l’éditeur qui reproduit dans le prolongement de cet entretien l’intégralité de la bulle d’indiction et nous la présente ainsi sous son vrai jour : moins comme un « document romain », un de plus, mais comme un appel vibrant à la conversion qui nous ouvre pleinement à l’amour, nous relance dans la vie et rende gloire à Dieu.