Odon Hurel, saint benoit, couverture

Saint Benoît



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Odon Hurel, Saint Benoît, éditions Perrin 2019

Réjouissons-nous ! Nous avons désormais à notre disposition un bon livre, facile à lire, pas trop long (env 200 pages sans les notes), pour mieux connaître la vie de saint Benoît, et beaucoup plus que juste sa vie ! Or saint Benoît est une belle figure de l’histoire de l’Église, qui a eu une très grande fécondité, surtout en Occident mais pas seulement, par la Règle qu’il a écrite pour les moines. Il vaut donc la peine de prendre le temps d’aller à sa rencontre, non seulement quand on est moine ou ami des moines, mais simplement quand on a soif de modèles d’hommes sages. Le pape Paul VI l’a proclamé patron principal de toute l’Europe, et à l’heure de la mondialisation, il est bon d’avoir en ce messager de paix un modèle d’amour universel.

C’est saint Grégoire le Grand (v. 540-604), pape de 590 à 604, qui a écrit le premier une vie de saint Benoît durant son pontificat. Elle est insérée dans une grande œuvre en 4 livres intitulée « Dialogues ». Le livre II des Dialogues est entièrement consacré à la personne et à la vie de saint Benoît. Soyons francs, cela ne va pas sans problèmes. En effet, quelques savants ont contesté que ces Dialogues aient réellement été écrits par Saint Grégoire. Et quelques autres savants ont contesté que le Benoît dont parle l’auteur soit l’auteur de la Règle dite de saint Benoît. Les savants aiment bien se disputer. L’auteur du présent livre fait rapidement le point sur ces querelles, et accueille comme vraie l’attribution des Dialogues à saint Grégoire, ainsi que l’identité entre le Benoît du livre II et l’auteur de la Règle que nous connaissons. Ouf !

Odon Hurel, dans le premier chapitre de son livre, commence par rappeler le déroulement de la vie de saint Benoît selon saint Grégoire. Saint Benoît est donc né vers 480 à Norcia dans la région de Rome, juste après la mort du dernier empereur romain d’Occident, dans un monde bouleversé par les « invasions barbares », c’est-à-dire les migrations de cette époque. Envoyé par ses parents pour faire des études à Rome, il n’y reste finalement pas, et après être parti de la ville, il se retire dans un ermitage à Subiaco, pas très loin de la ville éternelle. Il y reste caché durant quelques années, aidé par un moine d’une communauté voisine. Mais il ne reste pas inconnu, et on commence à venir le voir. Des moines d’un monastère voisin le demandent comme abbé. Benoît accepte malgré quelques appréhensions, mais l’aventure finit mal et il retourne à son ermitage. Rejoint alors par des disciples, l’affluence l’oblige à fonder des communautés aux alentours. Cette fécondité lui attire la jalousie d’un prêtre voisin qui lui fait des misères. Vers 529, Benoît décide alors de s’en aller avec un groupe de moines. Il part à une centaine de kilomètres de là, sur la route de Rome à Naples, et il s’installe sur le Mont Cassin. C’est là que s’épanouira la fin de sa vie monastique communautaire, et où il rédigera sa Règle, fruit à la fois des expériences monastiques qui l’ont précédé et de sa propre expérience de vie. Il y meurt vers 550-560.

Dans un deuxième chapitre, Odon Hurel remet ce déroulement dans son contexte historique, l’Italie des Ve et VIe siècles, avec ce que l’on peut en savoir. Puis, dans la continuité de ce travail historique, le troisième chapitre nous fait connaître qui sont les personnages importants que l’on rencontre dans la Vie. Tout cela donne beaucoup de « chair » à ce saint qui peut paraître un peu mythique dans la présentation qu’en fait l’antique texte de saint Grégoire. Ce parcours offre aussi l’occasion d’interpréter des passages de la Vie de saint Benoît ou de sa Règle qui se trouvent éclairés par les événements historiques.

Le travail d’interprétation de la Vie de saint Benoît écrite par saint Grégoire le Grand continue dans les deux chapitres suivants. Odon Hurel aide alors le lecteur à interpréter des éléments qui perturbent un peu nos mentalités modernes. À travers le « bestiaire » que l’on trouve dans les Dialogues, et une présentation des miracles attribués au saint, il met en valeur l’enseignement spirituel contenu dans le livre de saint Grégoire et voulu par lui. On apprend ainsi à lire un texte ancien, qui semble parfois un peu étrange aujourd’hui, sans tomber dans les pièges d’une interprétation soit trop naïve soit trop littérale.

On arrive enfin au sixième chapitre qui présente la grande œuvre de saint Benoît, celle qui l’a fait connaître : sa Règle. Après tout le parcours historique, cette présentation prend toute sa saveur. Odon Hurel fait un peu comprendre la manière dont cette Règle a été écrite, comment saint Benoît a été un compilateur des auteurs et textes qui l’ont précédé, tout en y mettant sa patte en tirant profit de son expérience. Très bonne introduction.

Les deux derniers chapitres traitent de la destinée de saint Benoît après son passage sur terre. Il s’agit donc d’un survol historique des fruits de sa vie et de son œuvre, sous divers aspects, en particulier dans la littérature, la prédication et la dévotion. Beaucoup d’éléments historiques avaient été évoqués dans les chapitres précédents, mais ces deux chapitres ajoutent une touche particulière très humaine, affective, en manifestant combien le personnage de saint Benoît a été présenté et aimé à toutes les générations. Cela termine par un long développement sur la fameuse médaille de saint Benoît.

Odon Hurel est un historien, professeur d’université, directeur de recherche au CNRS, spécialiste reconnu en histoire monastique à l’époque moderne (XVIe-XIXe). Vous pouvez trouver ici une interview.