Bible ouverte

Lectio Divina : Points de repère



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Comment discerner la voix de Dieu parmi les mille voix que nous entendons chaque jour dans ce monde ? Dieu parle avec nous de différentes manières. Naturellement, il parle surtout dans sa Parole, dans la Sainte Écriture, lue dans la communion de l’Église et lue personnellement dans un dialogue avec Dieu. Elle est appelée traditionnellement Lectio Divina. Il importe d’encourager vivement surtout cette pratique de la lecture de la Bible qui remonte aux origines chrétiennes et qui a accompagné l’Église au long de son histoire.
Voici quelques conseils pour vous aider à la vivre.

Qu’est-ce que la Lectio divina ?

La Lectio divina est « la lecture de l’Écriture accompagnée de la prière, afin que puisse avoir lieu un dialogue entre Dieu et l’homme ; parce que, ‘lorsque nous prions, nous parlons avec Lui ; nous l’écoutons quand nous lisons les oracles divins’ ( Vat. II, Dei Verbum, 25). Saint Augustin le confirme : ‘Ta prière est ta parole adressée à Dieu. Quand tu lis la Bible, c’est Dieu qui te parle ; quand tu pries, c’est toi qui parles à Dieu’ ( St. Augustin, commentaire sur le Ps. 85,7). La lecture assidue de la Sainte Écriture accompagnée par la prière, réalise ce colloque intime dans lequel, en lisant, on écoute Dieu qui parle et, en priant, on lui répond dans une confiante ouverture de coeur » : Benoit XVI, Au Congrès International La Sainte Écriture dans la vie de l’Eglise, 16 septembre 2005 (AAS 97 [2005], 957).
Il s’agit d’une expérience spirituelle et méditative et non proprement exégétique. Il s’agit de se mettre face au texte de la Bible. Il peut être accompagné éventuellement d’une explication simple. Celle-ci doit exprimer le message fondamental et permanent du texte biblique de telle sorte qu’il puisse interpeller celui qui lit et médite et le pousser à prier à partir du texte qu’il a devant lui. En effet, la Bible est un texte qui non seulement dit quelque chose à quelqu’un, mais aussi est comme Quelqu’un qui parle à celui qui lit. Il suscite en lui un dialogue de foi et d’espérance, de repentance, d’intercession, d’offrande de soi.
La lecture de la Parole nous fait contempler le Christ et ses Mystères de salut afin d’entrer en eux plus pleinement : « s’approcher de la parole vivante est une annonciation, s’y ouvrir est une incarnation, en vivre est une nativité ». Cela veut dire que la lectio a un caractère équilibré et objectif qui éloigne tout sentimentalisme et tout égoïsme introverti. Elle nous entraîne vers les valeurs spirituelles objectives d’une vie vécue en accord avec les mystères du Christ. Toutefois, cette objectivité est reçue dans notre subjectivité. L’Histoire Sainte que nous méditons est aussi notre histoire spirituelle. Le chemin d’Israël à travers l’histoire est une image du pèlerinage spirituel de chacun de nous, de notre propre vie.
Une telle prière faite à partir de l’Écriture nous donne la capacité d’orienter notre propre vie selon la volonté de Dieu. Elle fait trouver la manière d’unifier notre vie au milieu d’une existence souvent fragmentée et déchirée par mille exigences diverses, dans laquelle il est nécessaire de trouver un point de référence fixe. En effet, le projet de Dieu qui nous est présenté par les Écritures, qui a son sommet en Jésus Christ, nous permet d’unifier notre vie dans le cadre du dessein du salut.

Déroulement de la Lectio divina

a) conditions extérieures

  • la vie baptismale afin de soumettre notre vie à l’influence de l’Esprit (Lc 8,4-15)
  • être libre : avoir l’esprit libre, et libérer un temps (au moins une heure)
  • avoir préparé un lieu (Mt 6,5-6) : par exemple devant une icône, ambiance coin prière.

b) conditions intérieures

  • une lecture gratuite qui ne cherche pas un résultat (savoir exégétique ou théologique, préparation d’un enseignement)
  • une lecture qui est écoute : c’est Dieu qui parle directement à celui qui lit et médite. Attitude d’hospitalité, d’accueil : « Ce n’est pas moi qui lis l’Écriture, c’est l’Écriture qui me lit ».
  • revenir à son cœur, c’est-à-dire le lieu de la présence de Dieu en nous (non pas l’intelligence, la fantaisie, le sentiment…) Rm 8,26.
  • lire dans l’Esprit : la lecture se fait sous l’impulsion de l’Esprit qui a inspiré le texte sacré ; elle se laisse guider par l’Esprit (Jn 16,13)
  • commencer par une prière : Ps 118; 1R 3,5; 2 Cor 3,12-16; Jn 16,13….

c) Les divers moments de la Lectio divina

La lectio divina comprend divers moments (lecture, méditation, oraison, contemplation) successifs, ou mélangés en une vivante simultanéité. [Cf. Guigues II le Chartreux, Lettre sur la vie contemplative (l’Echelle des moines). Douze méditations, Editions du Cerf, Coll « Sources chrétiennes » n° 163 ; Avec Guigues : la pratique de la lectio divina]

Lire quoi ? Choisir un texte
  • un texte de la liturgie pris dans le lectionnaire liturgique, un missel, un office
  • un livre de la Bible à lire en continu du commencement à la fin
  • un passage pas trop long, quelques versets
  • un livre d’explication simple pour soutenir l’attention
Lire : comment ?
  • à plusieurs reprises, pour enlever la curiosité, se familiariser avec le texte, se laisser imprégner
  • à voix haute
  • avec le cœur
Méditer : c’est quoi ?
  • Une réflexion attentive et profonde pour comprendre le message. C’est une activité intense et parfois difficile. La Parole est un trésor caché, il faut creuser profond, en priant instamment d’être éclairé.
  • Un abandon : quand on médite, il s’agit de s’abandonner aux paroles pour les laisser exercer leur pouvoir de révélation.
  • Une lecture de la Parole au moyen de la Parole. La Parole est son propre interprète: « Un unique verset voit se tourner vers lui mille autres versets », dit St Bonaventure. Ex : Jn 15 récapitule, prolonge, transfigure tout un cycle de l’AT: Os 9,10; Is 5, 1-21; Jr 12, 7-11; Ps 80, 1-18). On peut consulter les passages parallèles, notes marginales, une « concordance », mais toujours lentement, avec des temps de pause, d’attente ; chaque texte est approché avec le cœur et guidé par le Saint Esprit.
  • Un accueil des 3 sens de la Parole (littéral – moral- spirituel) : « Origène profite de toutes les occasions pour rappeler les diverses dimensions de sens de la Sainte Écriture, qui aident ou expriment un chemin dans la croissance de la foi : il y a le sens “littéral”, mais il cache des profondeurs qui n’apparaissent pas au premier moment ; la seconde dimension est le sens “moral” : que devons-nous faire en vivant la Parole ; et enfin le sens “spirituel », c’est à dire l’unité de l’Écriture, laquelle dans tout son développement parle du Christ » (Benoît XVI, 25.04.07). On peut se poser la question suivante : Où est ma place? Où est-ce que je me situe par rapport au texte ?

Parfois, toute la lectio divina se limitera à cette lecture/méditation, à mâcher les paroles, sans pouvoir beaucoup méditer. « Moi, stupide, je ne comprenais pas, j’étais une brute près de toi. Et moi, je restais près de toi » (Ps 73(72) 22-23a). Mais la Parole (le Verbe, le Christ), elle, n’est pas inactive : « de même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer…ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche: elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission » (Is 55, 10-11).

Prier : un don de Dieu

Et voici qu’à l’improviste, tout à coup, survient quelque chose : une parole s’illumine, devient vivante, brille dans le mystère du Christ ou dans ma vie. On se sent investi par la lumière de la Parole : « La Parole devient vivante et efficace… elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit… elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 12).

  • S’arrêter, laisser résonner, briller.
  • Ruminer, bercer dans le cœur. Le cœur s’enflamme, de nouvelles lumières s’allument découvrant des sens toujours plus profonds. Parole, verset que l’Esprit fait briller, brûler sans se consumer (Ex 3, 2-6).
  • La Parole devient prière en moi. Elle se fait parole qu’à mon tour j’adresse au Seigneur. C’est une parole que Dieu même met sur les lèvres de l’homme afin qu’il puisse l’invoquer, parler avec lui « face à face » (Dt 34,10).
  • La Parole devient contemplation en moi. Elle fait surgir un silence intérieur dans lequel Dieu se rend présent : les mots servent aux facultés pour s’y poser, s’y fixer, s’y occuper… et permettent au cœur d’être au-delà, uni à la Présence : « L’âme est davantage là où elle aime que là où elle anime » (cf Jean de la Croix).

Un tel émerveillement, selon St Bernard, ne dure pas longtemps : « l’heure en est brève, le temps court ». Il en reste un souvenir, un parfum, une trace, une lumière (Ct 1,2-3) suscitant un désir, une chaleur, une joie, une paix… qui se prolonge toute la journée.

Pour dire l’essentiel

A la fin de notre parcours on voit bien l’attitude essentielle du lecteur : accueillir. Ne pas aborder la Parole en conquérant, en maître, pour prendre, me servir. Mais au contraire s’approcher du texte dans une attitude d’accueil, me faire un cœur accueillant, pour servir le texte et le respecter. Apprendre de nouveau à « lire pour lire », à recevoir le texte, à s’exposer au texte, à se laisser travailler et changer par la Parole.

« Ce n’est pas moi qui lit l’Écriture, c’est l’Écriture qui me lit »