C’est la gloire de Dieu de cacher les choses, c’est la gloire des rois de les sonder
Proverbes 25, 2
Libres : Plus qu’un film, une respiration !
Bien souvent, Dieu manifeste Sa gloire en se voilant derrière ce qui Le révèle. Il provoque ainsi l’homme – et spécialement le croyant – à se révéler lui-même, chemin faisant, en scrutant la profondeur des signes qu’Il nous laisse de Son passage. Le film Libres joue pleinement de ce paradoxe, qui rappelle celui de la vie. Toute vie en effet se déploie en s’intériorisant, tout en se recevant des réalités extérieures. Que l’on observe simplement la croissance de l’arbre : pas de ramure capable de s’élever haut dans le ciel, à la face du soleil, sans racines s’enfonçant profondément en terre.
Le réalisateur espagnol Santos Blanco nous offre une plongée dans la vie monastique tout au long de ces presque deux heures, et non un documentaire sur les grands espaces. Néanmoins les terres sauvages de l’Espagne, au creux desquels sont nichés ces monastères, sont déjà en eux-même une invitation au voyage… Quel que soit le point de vue que retiendra le spectateur, un véritable dépaysement nous est proposée par ce long-métrage. Sa sortie en salle en France est annoncée le 2 octobre (fête des anges gardiens : hasard du calendrier ? Clin d’œil à la vie angélique ?) et il sera disponible en dvd courant janvier 2025 pour commencer l’année par un grand bol d’air !
Place au regard et à l’écoute
Le documentaire est servi par le regard aiguisé d’une photographie attentive au jeu subtil de la lumière. Elle donne tout son relief tant aux visages qu’aux paysages qu’elle met en valeur en s’effaçant…
Donnant largement la parole à ceux dont le silence d’ordinaire oscille entre intercession et louange, ils sont interrogés sur leur vie.
Ils parlent de ce qui les anime mais aussi des rencontres qui les ont conduits au choix de la vie monastique ou de celles qui les ont relancés dans leur quête. C’est aussi une invitation discrète lancée au spectateur : « Et toi, où en es-tu de ton désir ? » Chacun peut ainsi se voir rejoint sur son propre chemin, tour à tour éclairé, interrogé, stimulé, confirmé dans sa quête de vie…
Moines, moniales du XXIe siècle
Moines et moniales, de tous âges et de tout « pelage » (chartreux, camaldules, bénédictins, cisterciens, carmes), leurs itinéraires ne sont pas étrangers aux errances de notre temps, à ses tâtonnements, à son péché. Ils sont aussi témoins de la Miséricorde de Dieu qui attend son heure, cachée dans l’espérance des orants de toute condition qui veillent pour ceux qui habitent leur prière. Car, faut-il le souligner, la veille et la prière ne sont pas l’apanage de ceux qui ont « fui au désert » mais la respiration de tous ceux qui aiment et aspirent à communiquer ce qui brûle au fond d’eux-mêmes…
Invitation à l’intériorisation
Le spectateur est entraîné dans une alternance de « focus » et de « grand angle », plans serrés ou voix off, selon la nature de la question posée. La sobriété des intérieurs côtoie la magnificence des extérieurs en toute saison. Les dialogues succèdent aux échappées au grand air, par monts et par vaux, montagnes ou bords de mer. Alternance d’entretiens tout à trac et de relectures décantées, de paroles et de méditations musicales, le tempo lent du montage donne aux séquences qui s’enchaînent un rythme tranquille. Sans jamais devenir pesant ou ennuyeux, il invite à l’intériorisation et dilate le cœur autant que le regard…
L’émotion y est aussi conviée, avec pudeur… On retiendra tout spécialement le témoignage d’une moniale qui se sait condamnée par la médecine et dont le décès, peu de temps après le tournage, lui vaudra en retour la dédicace du film à sa sortie, en 2023 : moment fort qui ne sera pleinement dévoilé, hors-champ, que par la photo d’hommage que lui rend l’équipe au générique.
Pourquoi « Libres » ?
On pourra s’étonner de ce titre pour ce film. Il ne s’éclaire explicitement que dans les toutes dernières minutes, récapitulant ce qui a été seulement suggéré tout au long des 105 minutes précédentes. C’est comme une invitation à en reprendre le déroulé depuis le début pour en explorer les nœuds et les étapes…
Qu’on nous permette ici d’emprunter quelques mots à Christiane Singer, extraits de son Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies. Ils suggéreront les harmoniques « à la quinte », sans déflorer le mystère, dans l’écoute de Celui nous y initie… « La vraie aventure de la vie, le défi clair et haut n’est pas de fuir l’engagement mais de l’oser. Libre n’est pas celui qui refuse de s’engager. Libre est sans doute celui qui ayant regardé en face la nature de l’amour — ses abîmes, ses passages à vide et ses jubilations — sans illusions, se met en marche, décidé à en vivre coûte que coûte l’odyssée, à n’en refuser ni les naufrages ni le sacre, prêt à perdre plus qu’il ne croyait posséder et prêt à gagner pour finir ce qui n’est côté à aucune bourse : la promesse tenue, l’engagement honoré dans la traversée sans fin d’une vie d’homme. »
« Je lève les yeux vers les montagnes D’où le secours me viendra-t’il ? Le Secours me viendra du Seigneur qui a fait les cieux et la terre »
Réjouissons-nous ! Nous avons désormais à notre disposition un bon livre, facile à lire, pas trop long (env 200 pages sans les notes), pour mieux connaître la vie de saint Benoît, et beaucoup plus que juste sa vie ! Or saint Benoît est une belle figure de l’histoire de l’Église, qui a eu une très grande fécondité, surtout en Occident mais pas seulement, par la Règle qu’il a écrite pour les moines. Il vaut donc la peine de prendre le temps d’aller à sa rencontre, non seulement quand on est moine ou ami des moines, mais simplement quand on a soif de modèles d’hommes sages. Le pape Paul VI l’a proclamé patron principal de toute l’Europe, et à l’heure de la mondialisation, il est bon d’avoir en ce messager de paix un modèle d’amour universel. Poursuivre la lecture
« À la première aube du XXIe siècle, qui était aussi l’aube de ma vie adulte, je suis devenu moine. »
Par ces mots, frère Oliveto débute un témoignage spirituel qui conduit le lecteur au cœur de la vie monastique. L’auteur propose une visite originale qui part des aspects les plus extérieurs du monastère (église, réfectoire, salle capitulaire) avant d’explorer les lieux les plus intimes de la vie du moine dans sa relation avec Dieu. Cette confession interroge l’homme d’aujourd’hui sur sa propre expérience humaine et spirituelle, le met face à lui-même et l’invite à contempler, avec un regard neuf, le monde dans lequel il vit. (4e de couverture)
Pour la rentrée littéraire 2017, le frère Oliveto, moine de l’abbaye de Maylis, publie Confession d’un jeune moine avec les éditions Bayard. Il vous propose ici une courte présentation de ce texte, en espérant que vous désirerez aller plus loin… Poursuivre la lecture
Nathanaël Pujos, Emmanuelle Borchardt, Anthony Ariniello, Éditions des Béatitudes, 76 pages, 7 €.
Voici un petit livre très utile, à l’usage des jeunes chrétiens qui veulent se mettre à l’écoute du Seigneur pour orienter leur vie. Il a été écrit par trois membres de la communauté des Béatitudes en mission aux États Unis, à Denver (Colorado), qui ont manifestement l’habitude d’accompagner des jeunes dans leur discernement.
Ce petit volume pourra être un bon compagnon de route pour mettre en place les bases d’une ouverture à la Providence de Dieu, et pour apprendre à ouvrir l’oreille à ses appels. Cela ne remplace pas un accompagnement personnalisé avec une personne sage et expérimentée dans les voies de l’Esprit. Néanmoins ce livret prépare bien le terrain.
Les personnes qui accompagnent des jeunes pourront aussi y trouver un aide-mémoire pour donner de bons conseils, ou du moins pour éviter les mauvais. Ce n’est jamais inutile. Il pourront aussi en recommander la lecture qui s’adapte à beaucoup, dès l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte.
Voici un petit aperçu de ses avantages, en 4 mots-clefs.
Court
La première qualité de l’ouvrage est d’être d’une taille très modeste. Il n’y a pas besoin d’être un grand lecteur pour lire 76 petites pages écrites assez gros. Sur le très vaste sujet de la vocation, les auteurs vont à l’essentiel sans rester superficiels. Ils font de bons choix sur ce qu’ils veulent dire à une génération souvent pressée, et le superflu est évité. La réflexion avance sans perdre de temps dans de longues explications. On voit là un certain pragmatisme américain qui ne s’oppose d’ailleurs pas au bon sens spirituel.
Concret
Le titre est juste : Discerner concrètement sa vocation. Cet aspect concret est très présent. Il y a des choses précises et pratiques à mettre en place dans sa vie. Il ne s’agit pas tant de réfléchir pour comprendre que d’agir pour avancer. Des exemples sont donnés, notamment grâce à des témoignages de jeunes ou des exemples de films. Le tout est donc très imagé, et ne manque d’ailleurs pas d’humour. On ne risque pas de se perdre, et la suite logique de la lecture est de se mettre à l’œuvre.
Clair
Il résulte de cela que tout est clair. Il n’y a pas de grands raisonnements abstraits et compliqués ; seules sont données les bases rationnelles indispensables. De même les témoignages rapportés sont synthétiques et vont à l’essentiel du point qu’ils illustrent sans se perdre dans les détails et les circonstances. La lecture est très rythmée, et le plan en 4 parties, très facile :
Fonder les bases d’un bon discernement
Poser le discernement lui-même, avec trois critères incontournables
Protéger son discernement : les cinq pièges à éviter
Incarner le discernement
Complet ?
Ce plan couvre bien la matière, du moins en son essentiel. On ne peut en effet pas tout dire. Traiter ce difficile sujet en 76 petites pages est un défi, mais il semble que cela suffise pour les grandes lignes que peut donner un livre. On ne peut bien sûr répondre par écrit à toutes les situations qui peuvent se présenter, car elles sont infinies, particulières à chaque personne. Ce livre donne une vue d’avion des principales artères d’un vaste domaine, ce qui permet de se diriger sans trop se tromper.
Un petit manque à notre avis : il ne dit peut-être pas assez que toute vocation est une histoire d’amour ! Peut-être un peu trop pragmatique et pas tout à fait assez romantique ?
Conclusion
Bref, ce livre est tout à fait recommandable. Il complétera bien les pages Vocations de notre site internet, que je vous invite aussi à consulter ! Vous le trouverez dans les bonnes librairies, et en particulier la nôtre.
Cerf, Collection Études bibliques, 192 pages – oct. 2016 – 15,00€ Pour contacter notre libraire fr Théophane : librairie[at]maylis.org
C’est tout à la fois une initiation à la Lectio Divina et une méditation sur la façon dont le Seigneur s’invite dans nos histoires familiales (même les plus compliquées !…) pour s’y révéler en y renouvelant la vie, là où l’orgueil ou la convoitise avaient semé la mort et conduit les protagonistes dans une impasse que nous lance le frère Philippe Lefebvre op., d’une plume alerte, dans cet essai au rythme enlevé digne de la charge des chevaux légers…
Le propos est vif, mordant mais jamais agressif, toujours bienveillant !
Loin des sentiers battus, des propos grégaires, des réflexes rassurés d’un troupeau confortablement rivé à son pré carré…
C’est un vibrant plaidoyer en faveur d’une lecture renouvelée de la Bible, un appel chaleureux et fraternel à nous laisser questionner par sa façon parfois très étrange de nous prendre à rebrousse poil, une invitation à nous mettre sans peur à son écoute même si elle nous déroute, soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses [de prime abord tout au moins…] dans ces « ateliers d’Écriture » que sont les groupes bibliques formellement organisés ou non et qu’il appelle de ses vœux !
La Bible n’est pas d’abord un réservoir de citations destinés à justifier nos propres conceptions de la famille mûries par ailleurs. Ce n’est pas non plus un centon de sourates, destinées à conférer à nos propos un vernis d’orthodoxie ! Encore moins les banderilles d’une logomachie de scènes destinées à nous tirer d’affaire à l’heure où nous serions acculés à descendre dans l’arène ! Souvent déroutante, elle a sa logique propre où l’on entre à mesure que nous la laissons nous questionner en vérité et nous parler au cœur…
Lorsque le péché défigure le visage de l’amour, lorsque nous sommes prisonniers de ses rets et de ses mensonges, découvrir combien Dieu nous rejoint au cœur de nos détresses, dans l’imbroglio des situations faussées par l’envie ou la défiance, les manigances secrétées par nos peurs, nos ambitions ou nos calculs égocentrés, pour déchirer nos horizons, nous ouvrir un chemin, nous relancer et plus encore avancer à pied sec au milieu des larmes, son irruption même déconcertante devient un baume pour le cœur et le terreau fertile d’une « invincible espérance »… s’il est vrai que celle-ci, insufflée par la grâce, se révèle être « une mémoire qui désire »…
Enfin, et ce qui ne gâte rien, c’est une excellente introduction, tant méthodologique que thématique, aux précédents livres de l’auteur : une façon pour nous de faire connaissance avec les talents pédagogiques et l’acribie de ce grand lecteur des Écritures qui sait nous en faire goûter un fruit gorgé de sève, qui dans le Fils, vivifié par l’Esprit, rend gloire au Père. Car bien avant d’être un sacrement dans le mariage, la rencontre de l’homme et de la femme, sous le regard de Dieu et bénie par Lui, est d’abord un lieu de révélation trinitaire qui nous laisse deviner les profondeurs insoupçonnées du mystère d’Alliance scellée en Jésus Christ !
Un homme, une femme et Dieu. Pour une théologie biblique de l’identité sexuée, Cerf 2007.
Joseph. L’éloquence d’un taciturne. Enquête sur l’époux de Marie à la lumière de l’Ancien Testament, Paris, Salvator, 2012.
Ce que dit la Bible sur… la famille, Paris, Nouvelle Cité, 2014.
Bonnes feuilles… pour donner le goût :
Des situations familiales, et Dieu au beau milieu
p. 146 : Il y a un paradoxe dans l’Église : on remarque volontiers la masse de données anthropologiques sur la famille qu’offre la Bible et d’autre part on lui accorde très peu d’importance dans la réflexion actuelle sur la famille.
p. 146-149 : Les principaux personnages de la Bible sont présentés dans leurs enracinements familiaux. Qu’ils s’éloignent de leur famille, qu’ils la retrouvent, qu’ils y souffrent, qu’ils s’y instruisent, ils en sont en tout cas marqués et leurs expériences fort diverses s’en ressentent. Beaucoup d’entre eux quittent leur famille pour longtemps ou pour toujours. Les prophètes exercent souvent leur activité en lien avec leur expérience familiale plus ou moins difficile : pour annoncer qu’un fils mystérieux doit naître, Isaïe engendre un fils de la prophétesse (Isaïe 7-11). Pour annoncer qu’il n’y a plus d’avenir, Jérémie reçoit l’ordre de Dieu de ne pas fonder de famille (Jérémie 16). Comme préfiguration de la destruction du temple, la femme d’Ézéchiel meurt (Ézéchiel 24). Osée doit reprendre son épouse prostituée, de même que Dieu renouvelle son alliance avec Israël (Osée 2-3). Au seuil de sa mission, Élie est envoyé chez une femme de Sarepta (1 Rois 17), son successeur Élisée rencontre une femme mariée à Shunem (2 Rois 4 et 8, 1-6). Dans ces deux cas, ces rencontres sont décisives et situent les prophètes concernés comme hommes devant chacune de ces femmes. Certaines femmes acquièrent au fil des textes une stature de mère qui déborde très largement leur maternité biologique : Déborah est ainsi une « mère en Israël » (Juges 5, 7) sans qu’on nous dise par ailleurs si elle a des « enfants biologiques ». Rachel, d’abord stérile, devient mère d’un fils Joseph.
À sa naissance, elle prophétise que le Seigneur lui en accordera un autre (Genèse 30, 22-24), ce qui fonde une des dynamiques les plus importantes de la Bible : un fils en amène un autre (voir Jean 19, 25-27). On retrouve Rachel en larmes en Jérémie 31, 15, pleurant les déportés d’Israël et interpellée par Dieu lui-même qui lui annonce qu’ils reviendront un jour. Ainsi la stérile devient-elle une mère pour tout le peuple, qui porte avec Dieu lui-même le souci de ses « enfants ». On pourrait multiplier les exemples, suivre d’innombrables pistes : les belles-familles, les cousins, les avatars de la paternité, les mariages impossibles…
Tout cela nous place résolument dans des expériences, des histoires de chair et de sang que Dieu vient visiter, où il vient donner la vie malgré d’innombrables empêchements. Il ne s’agit en rien de prendre toutes les formes familiales aperçues au fil de ces histoires comme autant de réalités que nous pourrions acclimater ingénument, bien entendu. Mais on peut constater que Dieu fait son chemin quelles que soient les situations rencontrées. On dit parfois, devant certaines configurations familiales bibliques (bigamie, polygamie, etc.), que Dieu prend les formes qu’il trouve pour y accomplir son œuvre. Abraham et Sarah sont ainsi demi-frère et demi-sœur, Abraham sur le conseil de sa femme prend Hagar la servante pour en avoir un premier fils, il n’hésite pas à faire passer Sarah publiquement pour sa sœur sans broncher à l’idée qu’elle sera ainsi disponible pour les harems royaux des pays où ils circulent. Pourtant Dieu s’est approché d’Abraham et de Sarah et s’est révélé à eux de manière intime et si décisive que les trois monothéismes se réclament encore aujourd’hui de ce couple fondateur. Or cet argument si souvent employé pour rendre compte des récits bibliques — Dieu assume les formes familiales qu’il trouve et se révèle pleinement à ceux qui y sont impliqués —, ne pourrait-on l’utiliser aujourd’hui dans la pastorale familiale et renouer ainsi avec un mouvement maintes fois illustré dans la Bible ? Dieu s’approche des familles recomposées de notre époque, des situations difficiles ou équivoques, des formes contestables permises par certaines législations et, en tout cela, il peut trouver des amis à qui il se révèle pleinement. Cela n’invalide aucunement qu’il faille cheminer, sortir de certaines configurations bancales, peccamineuses ; mais n’est-il pas tout aussi urgent, premièrement urgent, d’annoncer un Dieu qui désire se révéler ?
Marie-Joëlle GUILLAUME Vincent de Paul, un saint au Grand Siècle
Perrin 2015, 488 p
Ce que l’on croit connaître, voire trop bien connaître, est parfois ce que l’on ne connaît finalement que peu, ou pas assez, ou fort mal. La figure de Saint Vincent de Paul nous est familière, mainte fois croisée en statue dans nos églises. On a en tête quelque image de ce personnage populaire, l’image pittoresque de cet homme au bon sourire portant des enfants dans ses bras. Mais au fond : que pourrait-on en dire au delà de quelques banalités ? Marie-Joëlle Guillaume, avec son livre Vincent de Paul, Un saint au Grand Siècle, est venue combler quelques unes des lacunes des moines de Maylis à propos du patron de leur diocèse. Je voudrais vous donner envie de le lire aussi, en vous faisant part de quelques contrastes qui m’ont marqué. Je ne serai pas exhaustif, ce serait impossible. Et je serai partiel et subjectif dans mes choix. Ainsi faisant, j’aimerais juste faciliter une rencontre avec lui. La rencontre de cet homme de Dieu tout donné aux pauvres serait particulièrement appropriée en cette année jubilaire consacrée à la Miséricorde. Poursuivre la lecture
Conversation avec Andrea Tornielli suivie de Misericordiae Vultus, Bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la Miséricorde. Robert Laffont / Presses de la Renaissance 2016, 168 pages.
« Tu T’es penché sur nos blessures et Tu nous as guéris,
en nous donnant un remède plus puissant que nos plaies,
une miséricorde plus grande que notre faute.
Ainsi en vertu de Ton amour invincible,
Même le péché a servi à nous élever à la vie divine »
Extrait d’une introduction à la prière eucharistique de la liturgie ambrosienne (rite assez proche du rite romain, en vigueur dans le diocèse de Milan et dans trois vallées du Tessin, en Suisse, Cité p. 56
En ce jubilé de la Miséricorde, inauguré le 8 décembre dernier à l’occasion du 50e anniversaire de la clôture du Concile Vatican II, le Pape François nous ouvre son cœur pour nous inviter, avec force et douceur, à demander et à recevoir cette grâce de la miséricorde pour en vivre à plein bord et en témoigner par une charité contagieuse, une charité incarnée capable non seulement de se laisser touchée par les personnes blessées, mais encore de témoigner de cet Amour sans mesure (p. 107) qui dévore le cœur de Dieu. Car aux maladies sociales qui frappent tant d’hommes et de femmes, au relativisme qui anesthésie le sens du péché, « s’ajoute aujourd’hui le fait dramatique de considérer […] notre péché comme incurable, comme quelque chose qui ne peut être ni guéri ni pardonné. Ce qui fait défaut c’est l’expérience concrète de la miséricorde. La fragilité des temps où nous vivions, c’est aussi cela : croire qu’il n’existe aucune possibilité de rachat, une main qui t’aide à te relever, une étreinte qui te sauve, te pardonne, te soulage, t’inonde d’un amour infini, patient, indulgent et te permet de reprendre la route. » (p. 37) Poursuivre la lecture
On aurait pu s’attendre à une histoire en miroir, enfermée dans le même, barbouillée jusqu’à l’écœurement d’un excès de bons sentiments, bref, à un face à face étouffant, comme pouvait le suggérer une certaine lecture de l’affiche du film qui présente ces deux femmes couchées se tenant par la main dans une position qui rappelle irrésistiblement la relation fœtale.
Or il n’en est rien.
Avec ce film lumineux, tout en tact et en finesse, à la fois fort et pudique, étonnamment viril mais sans brutalité, sensoriel mais sans sensualité, débordant d’affection sans tomber dans le piège du pathos fusionnel, c’est bien l’histoire de deux naissances qui nous est présentée, de deux renaissances qui adviennent l’une par l’autre dans leur ouverture à la vie sans possessivité et rendent ainsi justice à la vie consacrée… cette vie donnée à Dieu « pour un surcroît de Vie » Poursuivre la lecture
La grâce d’être mère :
Sr Marguerite auprès de Marie Heurtin
Le film « Marie Heurtin » est une véritable hymne à l’amour, à la beauté de toute personne humaine, à l’importance de l’éducation.
L’histoire de la jeune Marie, emmurée depuis sa naissance comme dans un cachot par son handicap (aveugle, sourde et muette), et coupée de toute relation humaine, même avec ses parents trop démunis devant la situation, nous rejoint à différents niveaux. Poursuivre la lecture
CANERI, Sandrine La rencontre de Rébecca au puits, Exégèse rabbiniques et patristiques de Gn 24, 10-21, Cerf, Paris, 2014, 210 pages environ.
Onze petits versets qui esquissent en comparaison un périmètre bien étroit… Mais souvenons-nous « La vérité se creuse comme un puits. Le regard, quand il se disperse perd la vision de Dieu. »… (Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle, Pléiade, 516). Et de fait si l’on se souvient de la scène, cela sera suffisant pour y dessiner la margelle du puits qui va désormais présider à bien d’autres rencontres tout au long de la Bible et jusqu’au puits de Sichem (Jn 4, 1-42) changeant la destinée de bien des esseulés promis par Dieu à des noces au-delà de toute attente !
On se souvient en effet dans cette figure, première du genre, que c’est à la façon dont Rébecca va exaucer la prière d’Eliézer et puiser l’eau avec profusion allant bien au-delà de sa demande jusqu’à abreuver les chameaux de sa caravane, que le serviteur d’Abraham spécialement missionné par son maître pour ramener de la terre de ses pères une épouse pour son fils, reconnaît l’élue du Seigneur ! Recensant tous les auteurs majeurs qui ont commenté ce passage Sandrine Caneri nous propose alors de scruter le texte, pour en dégager le jeu des relectures successives avec leurs accents propres et leurs mystérieuses harmoniques.
Après l’établissement du texte dans ses variantes (massorétique/Septante), une présentation des sources et des auteurs, pour chaque verset sont ensuite citées les différentes interprétations données au fil des générations, avant qu’une synthèse ne viennent les réunir en bouquet spirituel !
L’apparat critique est léger mais pour qui ne connaît guère les Pères de l’Église et encore moins le corpus juifs des commentaires scripturaires, ce peut être un excellent ouvrage d’initiation tant par ses index, ses rappels introductifs présentant les œuvres et les auteurs retenus dans leur contexte que par le choix des citations qui en sont extraites. Un livre en somme tout aussi stimulant pour les priants que les étudiants, les commençants que les « approfondissants » !
Puisse alors le lecteur de ces lignes qui leur fera confiance vivre ainsi de l’encouragement d’Origène qui a beaucoup creusé ce thème du puits au désert tout au long de sa carrière de « didascale » pour y faire jaillir les préfigurations qui annoncent les sources d’eaux vives qui coulent maintenant du côté du Seigneur !
« Étant donné que du puits jaillissent des sources », « essayons de réaliser […] ce que recommande la Sagesse quand elle dit [cela]. Essaye donc, toi qui m’écoutes, d’avoir un puits à toi et une source à toi ; de la sorte, quand tu prendras le livre des Écritures, mets-toi à produire, même selon ta pensée propre, quelque interprétation, et d’après ce que tu as appris dans l’Église, essaye de boire, toi aussi à la source de ton esprit. À l’intérieur de toi-même, il y a le principe de « l’eau vive » (cf. Gn 26,19) Il y a les canaux intarissables et les fleuves gonflés du sens raisonnable, pourvu qu’ils ne soient pas obstrués par la terre et les déblais. Mais empresse-toi de creuser et d’évacuer les ordures, c’est-à-dire, de chasser la paresse d’esprit et de secouer l’engourdissement du cœur. Écoutez en effet ce que dit l’Écriture : »Tourmente un œil, il donnera des larmes ; tourmente un cœur, il donne l’intelligence. » (Sir 22,19) ». (Origène Homélies sur la Genèse, X,5.)
« En réalité, les puits de notre âme ont besoin d’un puisatier qui les creuse ; il faut les nettoyer, il faut déblayer tout ce qui est terrestre pour que les nappes de pensées raisonnables que Dieu y a enfouies émettent des filets d’eau pure et sincère. » (Origène Homélies sur les Nombres, XII,1)
« Purifie donc, toi aussi, ton esprit, pour qu’un jour tu boives à tes sources et puises l’eau vive à tes puits. Car si tu as reçu en toi la parole de Dieu, si tu as reçu de Jésus l’Eau vive, si tu l’as reçu avec foi, elle deviendra en toi « source d’eau jaillissant pour la vie éternelle », par le même Jésus-Christ notre Seigneur à qui appartient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen. » (Origène Homélies sur la Genèse, X, 5)