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Nous publions ci-dessous, avec l’aimable autorisation de l’auteur, l’homélie prononcée par Monseigneur Hervé Gaschignard lors de la consécration de l’autel de l’abbaye de Maylis, le 12 Mars 2016.
Les lectures étaient : Gn 28,11-18 ; Ap 6,9-11 ; Mt 5,23-24 (textes).
Monseigneur Gaschignard nous a rappelé pourquoi le Christ est l’autel, la victime ou l’offrande, et l’unique prêtre. Il a aussi souligné l’importance que cette vérité a pour la vie spirituelle de chaque chrétien.
Frères et Sœurs,
La célébration de la dédicace d’un autel est une belle et sobre liturgie qui nous replace devant le Christ. C’est Lui qui est tout à la fois l’autel, l’offrande, la victime et le prêtre. Cette liturgie au cœur du Carême nous conforte vraiment dans la foi et dans l’espérance. Nous pourrons nous unir encore davantage dans quelques jours à Jésus à la célébration de son mystère pascal, à cet acte de suprême charité de notre Dieu qui vient sauver l’humanité.
1/ Le Christ est l’autel
En ce lieu, dans cette église, dans cette maison de Dieu, ce sont tous les éléments de la création qui sont récapitulés dans le Christ. Les fleurs et le monde végétal autour de cet autel, l’acier de ces croix mêlées avec tous les minéraux, la pierre tirée du ventre de la terre et des montagnes, tout cela a été marqué de l’eau et va l’être de l’huile, du feu de l’encens qui parfume l’air. Le Christ saisit toute chose, le cosmos tout entier, pour les faire remonter vers le Père dans la louange.
Auprès de cet autel résonnera jour après jour, à l’ambon, la Parole de Dieu. Elle fera résonner pour l’Église et pour le monde l’étonnante présence de Dieu. Comme au temps de Jacob, le Seigneur se tient près de l’autel et nous entendons à nouveau sa voix : « Voici que je suis avec toi », « je suis le Seigneur, le Dieu d’Abraham ton père, le Dieu d’Isaac. ». Frères et sœurs, nos cœurs, nos yeux s’ouvrent ce matin, grâce à la Parole proclamée depuis cet ambon, à cette présence du Christ, à cette présence que vous vénérez et que vous vénèrerez jour après jour, mes frères, par ces grandes et belles inclinations liturgiques devant le Christ. Oui, le Christ est l’autel qui nous offre « la promesse », qui nous donne « une bénédiction pour nos familles », qui donne « une descendance dans la foi et un fidèle secours ». Le Christ nous garde, Il nous ramène de loin, ne nous abandonne jamais, pour nous faire passer la porte du ciel, pour nous élever par l’échelle du salut. Saluons donc désormais cet autel comme nous saluons le Christ.
2/ Le Christ est la victime, l’offrande
Si le Christ est l’autel, Il est en même temps l’offrande, la victime. Vous nous l’avez dit, Père François. Sous cet autel sont placées les reliques de trois martyrs d’Asie qui ont offert, comme le Christ, leur vie pour leurs frères et pour la louange du Père. Le livre de l’Apocalypse a évoqué le témoignage que toutes les générations rendent au Christ, la véritable offrande, la vraie victime sans tache. C’est Lui la véritable offrande qui nous offre le vêtement blanc, lorsque nous-mêmes, nous acceptons de faire de nos vies une offrande. Le témoignage de ces saints martyrs nous est donné pour que nous-mêmes, frères et sœurs, nous offrions à Dieu chacune de nos paroles, chacun de nos actes. Ces martyrs reposent ici pour que nous devenions à notre tour, « leurs compagnons et leurs frères », jusqu’à l’offrande de nos vies. Le dernier verset de cette lecture s’achevait par une évocation de l’offrande de nos vies jusqu’au sang. Autour du Christ immolé sur l’autel, autour des saints martyrs, prions, frères et sœurs, pour les témoins d’aujourd’hui. Ils sont parmi les chrétiens d’Orient, parmi les sœurs de Mère Térésa au Yémen, parmi les frères de Jésus au Niger. Ils sont tant d’autres en Afrique, en Asie et sur tous les continents. Puisons ici à l’autel les forces pour témoigner nous-mêmes, témoigner ensemble, du Christ, seule et véritable offrande au nom du Père. De cette manière notre prière suscitera dans l’Église et dans l’assemblée les vocations de prêtres, les vocations de consacrés, les vocations de moines dans l’offrande du Christ. Oui, offrons nos vies sur cet autel, comme le Christ offre la sienne éternellement par amour.
3/ Le Christ est l’Unique Prêtre
Si le Christ est l’autel, si le Christ est l’offrande, Il est aussi le grand prêtre, l’unique grand prêtre. Par son sacerdoce, Il intercède pour nous. Nous devenons tous ensemble, disait la prière d’ouverture, « un temple saint ». Autour de cet autel et grâce au mouvement des dalles du sol, c’est l’assemblée toute entière, et le chœur des moines, c’est l’évêque, ses prêtres et ses diacres, c’est l’ensemble des consacrés avec les baptisés du Seigneur, qui font monter l’action de grâce par l’unique grand prêtre, qui font monter la grande intercession par Lui, avec Lui et en Lui.
En cette année de la miséricorde, plus que jamais, le Christ est reconnu comme Celui qui efface les péchés, comme Celui qui réconcilie les hommes avec Dieu et les hommes entre eux. Nous ne pouvons pas saluer le Christ par des grandes inclinaisons, nous ne pouvons pas offrir nos vies avec Lui, en Lui, sans vivre d’abord comme des êtres réconciliés, comme des êtres pardonnés, des miséricordieux les uns pour les autres. La vie commune au monastère est le premier lieu de ce combat. L’Évangile de Saint Matthieu nous invite donc à devenir ces apôtres de la miséricorde, les uns pour les autres. Il nous invite aussi à aller au cœur du monde chercher nos frères séparés, nos frères divisés et même nos adversaires précise Saint Matthieu, pour les conduire tous ensemble, à leur rythme, jusqu’à cet autel et les confier au Christ grand prêtre qui réconcilie toute la multitude. Il est le grand réconciliateur comme grand prêtre.
L’Église, le peuple saint, devient aussi le temple saint lorsque le Christ lui prodigue par grâce son corps et son sang. L’Église, peuple sacerdotal célèbre ici autour de cet autel le mémorial de la Passion du Christ, son Eucharistie. Elle célèbre ce sacrifice pour communier à son œuvre de réconciliation. Frères et sœurs, nous qui sommes l’Église assemblée, envoyée par l’Esprit Saint dans le monde, rassemblons, au pied de la croix, autour de l’autel à chaque eucharistie, toute notre humanité encore si blessée, si divisée et si souvent pécheresse.
Intercédons pour l’Église et le monde autour de cet autel comme le Christ grand prêtre éternel, intercède et réconcilie la multitude avec son Père.
Conclusion
Le Christ est l’autel. Il est l’offrande. Il est le grand prêtre. Il est le Christ vivant ! Il est le Messie et c’est Lui qui « a reçu l’onction. » Voici la pierre vivante qui va recevoir l’onction. Voici que nous devenons en Lui les pierres vivantes de son peuple.
Que cet autel reçoive donc l’onction du Saint Chrême pour affermir tous ceux qui s’en approchent. L’onction de tendresse, l’onction de compassion, l’onction de miséricorde que l’Esprit répand maintenant dans nos cœurs, que l’Esprit répand sur l’Église, sur le monde qui attend la révélation du Christ.
AMEN !