porche de l'église de Maylis avec protection travaux

Bâtir l’Église en rénovant notre église



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En juillet-août 2014, nous mettions en place un chœur liturgique provisoire dans le sanctuaire de notre église. Nous voulions tester une nouvelle disposition possible en vue d’affiner un projet qui commençait à prendre forme. Beaucoup de questions restaient alors, comme en témoigne l’article rédigé à ce moment-là. Nous les avons traitées les unes après les autres avec nos architectes Philippe Rousselot et Mikaël Martin, de l’agence TLR-Associés de Bordeaux, qui nous ont accompagnés avec patience, respect, et compétence. Voici qu’à présent, après 16 mois de mise à l’épreuve, d’essais, et de réflexion, c’est parti pour les travaux !
Mais souvent la vie avec Dieu vous emmène plus loin et plus profond que vous ne le pensiez au départ… Retour sur cette aventure communautaire qui ne s’est pas arrêtée à de simples considérations pratiques, et nous a conduits sur un chemin spirituel. Il s’est agi non seulement de rénover notre église, mais bien plus de bâtir l’Eglise, la petite Église formée par notre communauté et ceux qui la fréquentent.
Retrouvez-nous aussi en vidéos : Les raisons du chœur

Le temps des tests : juillet à décembre 2014

La nouvelle installation

Changer notre installation, et donc détruire en partie le dispositif précédent, était un saut dans le vide. Changer fait toujours peur. On sait ce que l’on quitte, mais on ne sait jamais vraiment vers où l’on va. C’est inconfortable. Nous avons vécu cela en communauté au moment de passer à la phase des essais. Certains voulaient avancer plus vite, tandis que d’autres tempéraient le processus, comme il arrive toujours dans ce genre de situation. Mais la nécessité a fait loi : il fallait passer par là pour approfondir notre réflexion commencée depuis plusieurs années, et nous n’avions pas de raison sérieuse de la stopper.
Nous avons pris soin de préparer au maximum cette période de transition et d’essais qui risquait de durer. Nous l’avons tout d’abord préparée dans nos cœurs, en nous mettant tous bien d’accord sur la nécessité de passer à cette phase de mise en œuvre provisoire. Un vote a sanctionné cette décision que nous devions prendre ensemble afin d’y adhérer d’un même élan. Ensuite nous l’avons préparée dans le concret. Nous devions être bien installés pour la prière liturgique, afin de pouvoir réfléchir et discerner en paix dans les mois qui suivraient. En particulier, les stalles en contre-plaqué préparées par frère Antoine se sont révélées très fonctionnelles en dépit de leur esthétique tout ce qu’il y a de plus simple.

Une très bonne impression

L’impression produite par notre nouvelle installation a été presque instantanément et unanimement bonne. Ce fut un très bon signe, rassurant. Assez rapidement nous avons pris nos marques à différents points de vue. Les déplacements se sont vite mis en place, et l’acoustique fut une très bonne surprise. À ces deux points de vue, le rapprochement du reste de l’assemblée s’est tout de suite avéré très effectif. Un des grands enjeux de notre projet était donc vérifié : former une seule assemblée, pour manifester l’unité de l’Église. Il est beaucoup plus facile à présent de chanter ensemble, et nous pouvons prier en étant tournés tous ensemble dans la même direction : vers le Christ présent au milieu de nous sur l’autel.
En particulier, la célébration de la messe par grandes assemblées se révéla très fonctionnelle et paisible. Ainsi la fête du 15 août et surtout les vœux définitifs de notre frère Joseph, fin août, furent très révélateurs. Malgré le grand nombre de participants à l’Eucharistie, tout s’est déroulé très paisiblement, la communauté étant au cœur de la prière sans être étouffée par la foule nombreuse, car elle garde sa place propre et sa spécificité.

De nombreux essais

Durant les mois de septembre à décembre, nous avons essayé différentes installations pour le mobilier liturgique. L’autel et les stalles sont restés à peu près stables, mais le siège de la présidence et surtout l’ambon ont été objets de plus amples recherches. Plusieurs positionnements des frères dans les stalles, ainsi que différents mouvements de processions et autres déplacements ont aussi été testés, jaugés, évalués.
Au terme de ces mois d’essais, une question s’est révélée criante et les avis à son propos étaient très partagés, pour ne pas dire divisés : allait-on ou non mettre les rangées de stalles sur différents niveaux, comme il était prévu initialement ? Cette question déjà posée un an auparavant, et théoriquement résolue, revenait maintenant à l’épreuve de la situation concrète. Certains appréciaient une certaine facilité de déplacements du fait d’être tous au même niveau. D’autres soulevaient des problèmes de visibilité qui gênaient la participation liturgique et le chant. L’alternative allait nous travailler durant plusieurs mois…
Différents tests furent faits pour aider la réflexion à mûrir, et nous rendre compte des enjeux, autant que nous le pouvions. Mais surtout, chacun avait droit à la parole. Chacun était encouragé à la prendre pour dire ses espérances ou ses peurs, ses désaccords ou ses enthousiasmes. Nos architectes, alors qu’ils sont habitués à travailler à grande vitesse, ont eu la délicatesse de respecter notre rythme monastique (assez proche de celui de la tortue…), tout en nous encourageant à avancer et à prendre des décisions.

Le temps des décisions : janvier à juin 2015

Avancer tous ensemble

C’est donc l’écoute mutuelle des différents avis qui a été à l’honneur. À cela est lié le respect du temps de chacun. Certains avancent vite dans la réflexion, tandis que d’autres ont besoin de laisser mûrir leur décision. Nous nous sommes efforcés de faire droit à ces différences. Les questions liturgiques nous touchent au cœur. Elles sont sensibles car elles engagent une part essentielle de notre vie. La liturgie est au plus proche de notre vocation. C’est pourquoi nous avions conscience que nos échanges n’avaient pas une fin uniquement pratique. Ils étaient une occasion de fortifier notre unité en exerçant notre écoute et notre charité fraternelle.
Nous avons donc fait en sorte d’être guidés par cette fraternité. Car ce n’est pas seulement la liturgie qui est au centre de notre vie monastique. Pour apprendre à faire Église, nous avons aussi choisi l’obéissance mutuelle. Nous avons choisi d’avancer en commun et de nous aider les uns les autres, d’assumer nos qualités et défauts réciproques. On ne peut vivre cela sans avoir à assumer des tiraillements, sans avoir à faire l’effort d’adhérer à des choix que l’on n’aurait pas fait, ou de renoncer à certains que l’on aurait préférés.

Les stalles

À partir de la fin 2014, nous avons envisagé jusqu’à cinq possibilités pour l’arrangement des stalles, avec ou sans niveaux, et des niveaux de diverses hauteurs. Certaines possibilités ont été éliminées assez vite. La nécessité de mettre les stalles en gradins a peu à peu émergé de nouveau. Mais la solution définitive n’a pas été celle qui était prévue au départ. Les essais, les réflexions, et la construction de petites maquettes des différentes options, nous ont conduit vers une solution plus équilibrée. Sous des airs de compromis, cette option intermédiaire s’est révélée avoir une authentique valeur en elle-même.
Finalement, début mars, nous étions mûrs pour voter ce choix d’une nouvelle structure à niveaux. Après quelques mois de tension plus ou moins manifestée sur cette question, ce fut un soulagement. Nous n’étions plus bloqués dans nos réflexions et pouvions à présent passer aux autres éléments.

L’autel, le tabernacle, et l’ambon

Depuis le 15 novembre, le tabernacle avait été déplacé de la chapelle du Sacré-Cœur au fond de l’abside principale. Cette option s’était révélée fonctionnelle, même si elle n’était pas satisfaisante sur tous les points. En choisissant d’opter en sa faveur, beaucoup d’entre nous ont dû faire preuve de renoncement, et accepter l’un ou l’autre inconvénient qu’elle impliquait. Il a été beau de voir ainsi que les préférences personnelles n’avaient pas le dessus, et que l’on prenait sur soi de ne pas alourdir la discussion par de vaines exigences.
Plus compliqué apparemment était le cas de l’autel. Sa place et son volume étaient à peu de chose près définis depuis longtemps car l’architecture les imposaient. Depuis longtemps aussi une réflexion de fond avait été menée sur son sens, ce qu’il représente, sa fonction symbolique dans la liturgie eucharistique et durant la célébration de l’office divin. Ce fut l’occasion d’un approfondissement en théologie de la liturgie, et aussi d’une redécouverte de trésors spirituels de notre foi. Donner un aperçu de tout cela demanderait un article entier.
Nous avions aussi pris soin d’aller voir des réalisations contemporaines. Nous sommes arrivés assez tôt à penser que notre autel pourrait avoir une forme octogonale ou circulaire, en dialogue avec le chœur monastique disposé en ellipse. Puis nous avons choisi de jouer avec la lumière naturelle, généralement assez abondante à cet endroit de l’église, en la laissant pénétrer dans un « creux » sous la table en pierre. De plus, cela contrasterait avec les piliers très massifs et donc ferait ressortir l’autel dans l’architecture d’ensemble. Pour poursuivre dans la même ligne de mise en valeur par la lumière, de légèreté, et de contraste avec la pierre très présente dans notre église, nous en sommes venus à penser à un piétement en métal coloré, ou plus précisément en acier patiné. Nous avons été inspiré en cela par le travail d’un artiste habitant le village de Montaut, sur la colline d’en face, un ferronnier d’art, Mr Michel Rozier, que nous sommes finalement allé voir.
Pour ce qui est de la forme, diverses propositions avaient été faites au cours des mois, parallèlement à la réflexion de fond. C’est finalement une idée de Mr Rozier lui-même qui a été retenue : des croix couchées qui tournent, se succèdent, se chevauchent, et semblent faire une ronde ; elles soutiendront la table d’autel elle-même qui sera une pierre circulaire en marbre blanc. Ce choix fut aussi sanctionné par un vote.
L’ambon sera réalisé par le même artiste. L’élaboration est en cours, dans un dialogue avec la communauté, mais à l’heure où j’écris tout n’est pas encore fixé : surprise !

La confirmation de la Semaine Sainte

Pâques, sommet de l’année liturgique. Nous attendions ce moment très spécial, ce moment à nul autre pareil, pour le vivre dans cette nouvelle disposition. Même si les décisions essentielles étaient prises concernant la configuration globale, il fallait tout de même passer l’épreuve de ces jours saints, si privilégiés, qui nécessitent divers accommodements des lieux pour les différents rites. Notons aussi qu’il y a durant ces jours une participation forte et très active de l’assemblée grâce à la présence annuelle de familles appartenant à la communauté Ecclésiola. Nous avons donc expérimenté de manière particulière ce que voulait dire faire une seule assemblée.
De plus, un événement ecclésial et liturgique exceptionnel devait marquer la Semaine Sainte. En cette année de la vie consacrée, notre évêque avait décidé de célébrer la messe chrismale à Maylis. Nous avons donc testé notre dispositif par très forte foule, dans une église totalement comble. Cela nous a permis en particulier d’inaugurer le système vidéo qui sera mis définitivement en place à la fin des travaux. Tout s’est merveilleusement bien passé, et nous nous sommes trouvés fort à l’aise pour célébrer et prier, sans être écrasés par une assemblée qui était, elle, un peu à l’étroit. Mais on ne peut pas repousser les murs…

Vers la réalisation : juillet à novembre 2015

Des entreprises locales

Nous désirions pouvoir faire les travaux à l’automne, en dépit des délais de toutes sortes qui en avaient retardé la préparation. À la fin du mois de juin, tout était enfin prêt pour lancer des appels d’offre pour les entreprises, avant les congés d’été.
En syntonie avec nos architectes, nous désirions dans la mesure du possible confier le travail à des artisans qui soient proches de chez nous. Ce fut fait en grande partie, puisque presque toutes les entreprises sont landaises  : le conducteur des travaux, avec qui nous avions déjà travaillé pour l’hôtellerie, vient de Mont de Marsan, le maçon est de Tartas, le chauffagiste de Mugron, l’électricien de Grenade sur Adour, le menuisier de Samadet. Le périmètre est donc assez restreint. Seul le marbrier, pour le sol et l’autel, vient des Pyrénées Atlantiques : dans la série de ses chantiers, nous avons l’honneur de succéder au réaménagement récent de la grotte de Lourdes !
Les spécialistes à qui nous avions demandé de nous préparer un plan d’une part pour l’éclairage et d’autre part pour les questions acoustiques venaient de plus loin. Il n’est pas donné à tout le monde de savoir bien éclairer et bien sonoriser une église. Or il est capital pour la prière tout autant de bien entendre que de bien voir. Nous avons pu tester et ajuster une nouvelle sonorisation à partir de juillet 2015. Quant à l’éclairage, nous avons cherché à bien l’adapter à nos besoins liturgiques.

La main à la pâte

Les moines ont aussi mis la main à la pâte. Sur le plan de la réalisation, le premier travail de la commission chargée du suivi de toute cette aventure a été d’éplucher de près tous les projets, plans, et devis, et de se projeter dans le futur pour ne rien oublier. Puis il faut bien expliquer les tenants et aboutissants aux artisans, suivre le chantier, faire les derniers choix concrets, vérifier les enjeux des décisions, etc. C’est beaucoup de présence… et quelques distractions durant la prière !
Nous avons aussi concrètement retroussé nos manches. Il a fallu d’abord déménager l’église pour la rendre disponible pour les travaux, et organiser l’accueil des ouvriers qui viendraient sur le chantier. Cela nécessite aussi d’organiser notre vie liturgique par ailleurs. Bientôt notre frère Antoine, qui a obtenu son CAP d’ébénisterie au printemps dernier, participera à la partie menuiserie du chantier, confection des stalles et pose de plancher, ce qui nous remplit de joie. Une partie du bois qui sera utilisé pour cela viendra d’ailleurs de nos réserves.
Notre présence sur le chantier est aussi importante. Nous y allons certes pour des raisons pratiques, simplement pour vérifier que tout se passe bien, ou bien par curiosité, pour voir l’avancement et faire un reportage photo. Mais nous y allons aussi pour rencontrer les ouvriers de la maison de Dieu et leur donner un peu de notre fraternité. C’est aussi cela bâtir l’Église. Nous les accueillons ainsi dans notre prière, et demandons plus concrètement au Seigneur non seulement de bénir le travail de leurs mains, mais aussi de les visiter eux-mêmes et leurs familles.

Participer vous aussi

Voilà pour quelques petits mots sur une grande aventure. Comme vous avez pu le constater, l’importance cette restauration de notre église va bien au-delà de ses aspects visibles, pratiques. C’est pour nous une sorte de pèlerinage intérieur, c’est-à-dire un lieu de conversion, d’approfondissement de notre vie spirituelle communautaire, et donc de notre vie monastique. Nous espérons que les fruits s’en feront ressentir pour ceux qui nous approcheront non seulement parce qu’ils seront bien pour prier, mais aussi parce qu’ils participeront aux fruits de fraternité portés par tout ce travail.
Si le cœur vous dit à vous aussi de participer à cette aventure, rejoignez-nous dans la prière. N’hésitez pas aussi à nous aider financièrement. Nous faisons des travaux pour du très long terme et pour une sainte cause. Sans chercher le luxe, nous avons néanmoins mis les moyens nécessaires pour que l’ensemble soit de qualité, au service de l’Église qui se rassemble aujourd’hui et qui se rassemblera demain et pendant longtemps au sanctuaire de Maylis. Nous espérons que la Providence, peut-être par votre intermédiaire, nous aidera à aller sans trop de tracas au bout de notre investissement. Vous pourrez trouver tous les renseignements nécessaire sur la page Faire un don :
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Pour quand la fin est-elle prévue ?

La consécration du nouvel autel est prévue pour le 12 mars 2016, 70 ans presque jour pour jour après l’arrivée des moines à Maylis le 1er mars 1946.
Nous espérons que vous pourrez profiter de tout ce travail spirituel et artistique en venant prier avec nous dans notre église rénovée.