Le rite : un lieu de fracture ?
Pratiquants ou non, extériorité et intériorité
Pour calculer le nombre de chrétiens en France on distingue habituellement les « pratiquants », les « non-pratiquants », les « pratiquants occasionnels », etc. Cette catégorie de la « pratique » des sacrements est-elle une bonne catégorie ? D’un côté c’est facile : ça se voit, c’est objectif, mesurable. D’un autre côté c’est une activité qui peut rester extérieure à la personne. Alors on tombe sous l’accusation des prophètes : on fait des sacrifices, et dans le quotidien on vit sans Dieu. Du coup on oppose ceux qui ne vont pas à la messe mais qui ont – ou auraient – une vie digne de la foi chrétienne, et pourraient tout à fait se passer des rites, qui n’en auraient pas besoin.
De manière comparable, en milieu chrétien cette fois-ci, on oppose parfois la prière vocale et le culte comme pratique de la prière officielle de l’Église, à l’oraison, la méditation, la louange spontanée, plus personnels. Il y aurait ce qui tient du devoir commun et ce qui vient – ou viendrait – plus du cœur. Cette distinction est arrivée à l’époque moderne en milieu clérical, mais en fait elle existait bien avant concernant la messe. Depuis le haut Moyen Âge, clercs et laïcs étaient séparés. Les clercs, lettrés, spécialistes de la prière officielle de l’Église, rendaient à Dieu au nom de tous la justice de la religion. Et les laïcs, souvent illettrés, étaient exclus du culte et avaient un lien dévotionnel à Dieu. La perte du sens communautaire et l’apparition de la personne individuelle à l’époque moderne a été un point de bascule. La personne a commencé à désirer prendre part personnellement au culte. Cela commence avec les plus dévots au XVIe, et va en s’amplifiant, selon différentes voies parallèles.
Le rite: routine ou renouveau ?
Le rite est essentiel à la vie humaine. Nos vies sont pleines de rites qui les structurent (fonctions vitales, repas, sommeil, vie sociale, relations affectives, etc.), et donnent du rythme. Mais ces rites peuvent être des lieux de fracture dans nos vies, dans nos relations. Il y a aussi une ambiguïté dans ces rites quotidiens : est-ce je/tu le fais par conviction ? Me dis-tu cela parce que tu le penses vraiment, ou bien seulement par habitude ? Ce baiser que tu m’offres chaque matin vient-il de ton cœur ? N’est-ce pas seulement extérieur, par habitude ? Un rite, des rites… lieu de routine, ou occasion de renouveau ?
Méditer un peu sur le rite va nous faire aller aussi au cœur de notre foi, et de notre vie de foi.
Vivre le mystère de l’Incarnation
Une conversion nécessaire
« Dieu est esprit » (Jn 4, 24). Pour venir à nous qui sommes esprit et chair, il agit par des médiations. Le grand et unique Médiateur est son Fils, le Christ Jésus. Le Christ s’est associé la médiation de l’Église. Et cette médiation se décline : médiation de chaque chrétien ; médiation des éducateurs de la foi ; médiation des ministres ordonnés ; médiation du culte ; médiation de la parole, du pain et du vin.
Tout s’enracine dans le mystère de l’Incarnation, acte révélateur du mystère tenu caché depuis l’origine des siècles. Dieu ne peut plus nous rejoindre directement par l’intérieur du cœur, à cause du péché : nous sommes bouchés ! Alors il vient nous rejoindre par l’extérieur, vers où nous sommes tournés. Il nous invite, nous apprend, nous conduit dans le chemin vers l’intérieur. Il nous invite à la conversion, au retournement. En Jésus, la grâce de Dieu se manifeste, apparaît sous nos yeux de chair, pour nous reconduire vers l’invisible présence de Dieu. Il vient nous apprendre à voir dans la foi, pour nous reconduire vers l’intérieur. Le Salut est dans cette conversion, dont l’Eucharistie constitue un éminent exercice. La conversion est l’acte de foi par amour, dans l’espérance, qui passe dans les actes, ici un acte liturgique, à laisser fleurir et fructifier dans le quotidien.
Réalité spirituelle et expression concrète
L’Incarnation est, reste constitutive de notre foi. Ce n’est pas seulement un événement du passé. Nous vivons dans un régime de révélation qui est de l’ordre de l’entendre, du voir, du toucher, du sentir. C’est un luxe qui a un prix. Luxe, car Dieu nous rejoint dans tout ce que nous sommes, dans toute la consistance et l’inconsistance de notre humanité. Le prix est celui du dépassement de la chair par la foi. On prend appui sur la part émotive et affective pour aller plus profond en soi. Cela nécessite de renoncer à s’arrêter en chemin, de ne pas se contenter de l’expérience émotionnelle ou affective. Alors on peut expérimenter la véritable dilatation du cœur profond, ce cœur que Dieu touche de sa grâce pour l’attirer à lui. Il s’agit donc de retourner le mouvement de l’affectivité au service de l’intériorité et non de l’extériorité. Toute la messe est mouvement de l’extérieur vers l’intérieur pour nous conduire à l’acte de foi, la rencontre entre Dieu sauveur et l’homme de désir.
Comme pour toute réalité humaine, particulièrement dans la vie spirituelle, il y a une distance entre la réalité profonde et sa réalisation concrète, entre le sens et la mise en œuvre, entre le spirituel et le charnel. Le second aspect doit conduire au premier, et bienheureux qui ne s’arrête pas en chemin. Ce chemin est souvent lent, et peut-être long, pour notre chair.
Et d’autre part, dans une fragilité générale, une inadéquation de fond, la forme est plus ou moins translucide ou opaque au contenu. L’aspect extérieur du rite aide plus ou moins l’intériorisation. Cela nécessite d’assumer pleinement la réalité visible, tangible, dans sa fragilité, tout en la laissant à sa juste place, dans l’équilibre, l’harmonie. Comme en toutes choses, dans la liturgie il y a une nécessité de gestion des sensations, des émotions. Et par conséquent une attention à tous les gestes, positions, actions, et manières d’être. Car tout cela est porteur de l’investissement humain intégral.
Le rite, expression de l’intériorité
Que le cœur corresponde à la voix
On oppose assez facilement la vie intérieure à la vie extérieure. Il y a effectivement une tension entre les deux. Tant de choses nous tirent vers l’extérieur et nous arrachent de la vie intérieure, ou nous empêchent d’aller puiser au fond de nos cœurs ! Sollicitations multiples du matérialisme ambiant. Toutes les voies spirituelles, chrétiennes ou non, vont chercher à cultiver cette vie intérieure, parfois en dénigrant la vie extérieure, voire en la fuyant. Certaines spiritualités chrétiennes ont été dans ce sens, jusqu’à l’hérésie. D’autres sont plus modérées, mais certains chrétiens opposent tout de même les prières extérieures à la prière intérieure, et considèrent plus ou moins les premières comme une gêne, notamment la prière liturgique, le rite.
Or le rite est justement au service de l’unification entre intériorité et extériorité. Le rite est là pour aider la prière, et non pour être un frein. À ce propos, St Benoît a un aphorisme, que l’on trouve déjà chez Augustin. Il demande à ce que les frères se tiennent à l’office de manière à ce que notre cœur corresponde à ce que disent nos lèvres. On a résumé cela dans la formule latine courte « mens concordet voci ». L’expression paraît curieuse à beaucoup de personnes qui essaient plutôt d’être « authentiques », « sincères », etc, en disant avec leurs lèvres ce qu’elles ont dans le cœur. Benoît, et en fait la liturgie, propose le chemin inverse : que l’intérieur corresponde à l’extérieur. La prière de l’Église offre un cadre dans lequel nous sommes appelés à entrer, non par contrainte, mais de bon cœur, en toute liberté de cœur. La liturgie est formatrice, éducatrice. Elle est une école de prière, la première école de prière.
C’est à propos du chant des psaumes que Benoît demande aux moines de faire correspondre leurs cœurs à ce qu’ils chantent. Les psaumes, et autres cantiques bibliques, mettent sur nos lèvres les justes paroles, des paroles que l’on n’oserait parfois même pas prier, et pourtant qui traduisent bien ce que nous pouvons avoir au fond de nos cœurs, même si nous n’arrivons pas à nous l’avouer. Les chrétiens ont assumé cet héritage juif de la prière des psaumes parce qu’ils ont été la prière de Jésus lui-même. Ils ont assumé aussi la liturgie de la Parole, parce qu’elle a été la manière de Jésus aussi. Mais ils n’ont pas assumé l’économie sacrificielle du Temple, car Jésus a transmis autre chose, un autre rite : « faites cela en mémoire de moi ». Il est question d’un faire. Quel « faire » ? Ce « faire » a sans doute plusieurs sens. Il y a certes une action extérieure, concrète. Mais il y a certainement plus.
« Faire » et vivre le rite dans la foi
« Il prit le pain, rendit grâce, le rompit, le donna ». C’est très simple, c’est du concret. Parce que nous l’avons reçu du Christ, parce que cela nous a été transmis, nous allons le faire dans la foi. Ce « faire dans la foi » a déjà deux niveaux pourrait-on dire. Le premier est que ce soit animé par la foi. Nous passons tous par là. Quand je dis « animé par la foi », j’entends que le rite (ou les rites) est quelque chose d’extérieur auquel on joint un acte de foi. Il y a une superposition des gestes et de ce que l’on croit, sans faire complètement de lien. C’est souvent ce qui se passe quand on est enfant, et parfois on reste enfant dans la foi assez longtemps, éventuellement toute sa vie. Et même, ce fut une coutume commune pour les laïcs pendant des siècles de vivre ainsi la liturgie. Car ils ne voyaient à peu près rien, n’entendaient guère plus, et de toute façon ne pouvaient pas comprendre la langue employée ni lire une traduction. L’acte de foi s’est greffé sur certains moments, notamment l’élévation après la consécration, ou la communion pour les plus pieux. Mais elle a été désaffectée très tôt. À côté du rite, pendant le rite, ils faisaient un acte de foi, priaient de leur côté. Le rite était juste un moment propice pour cela.
Il y a une autre manière de vivre le rite. On peut le vivre comme une expression de la foi. La parole et le geste lui-même sont alors la foi rendue visible, un langage de l’Église, un langage que je suis invité à faire mien. Quand l’appropriation est faite, il n’y a plus seulement la mise en pratique de caractéristiques de la vie chrétienne, ce qu’il faut faire, mais leur appropriation consciente, comprise, assumée, adulte. Le rite devient vraiment le culte spirituel dont parle St Paul en Rm 12, 1, ou l’adoration en esprit et en vérité de Jn 4,23. La liturgie est faite non seulement pour être animée par la foi, mais pour être expression de la foi, de la relation vivante et directe au Père par le Christ. La foi qui s’exprime est autant celle de l’Église que ma foi personnelle. Il y a là un espace de conversion et de progression.
Rassemblés par l’action commune
Autre aspect du rite, non moins important : il nous fait vivre quelque chose ensemble. Le rite est au service de l’harmonisation des intériorités pour passer d’intériorités individuelles à une intériorité communautaire. Cela permet de vraiment faire corps, de devenir le Corps du Christ.
Le chant est un lieu privilégié où la gerbe se noue. Il naît d’un texte, porteur de sens. Et il se place à un certain moment de l’action liturgique. Par son harmonie, il conduit à vivre ce texte et ce moment, en prenant le corps tout entier du chrétien et de la communauté. Une chose est de dire « louons » ou « louez », et une autre de le faire, de dire la gloire de Dieu ensemble, de la chanter d’un même cœur. La louange dit la foi et la fait vivre. En faisant mémoire, elle célèbre et annonce. Et cela devient une réalité totalisante dans l’expression lyrique. Il y a une connaissance charnelle de Dieu, une expérience de Dieu, parce que Dieu s’est fait chair.
Le rite et les rites
Vivre le rite, vivre du rite
L’Église nous invite non seulement à vivre le rite, mais aussi vivre DU rite. Le vivre et en vivre : beaucoup de querelles inutiles seraient sans doute évitées si nous nous efforcions de pénétrer le rite de manière à en vivre. Les gestes eux-mêmes ont du sens. Le fait de les poser a du sens. Ils sont là pour nous introduire dans la relation. Ce n’est pas une question d’étiquette comme dans un cérémonial de cour. Dans ce cas, on accomplit quelque chose d’extérieur auquel on donne un sens qui n’est pas intrinsèque. On marque une situation particulière par un décorum qui en soi n’a pas de sens particulier. Le Seigneur ne nous a pas laissé des gestes superficiels, mais des gestes essentiels, des gestes porteurs de sens. Et nous devons sans cesse renouveler l’effort de pénétrer le sens des gestes pour les vivre mieux, pour vraiment en vivre. Les gestes que pose le prêtre – malheureusement parfois assez mal – sont pour l’Église, pour que chacun puisse y communier.
Accomplir avec beauté
Il y a bien sûr une hiérarchie dans les gestes et les rites. Tous n’ont pas la même importance. Certains sont structurels et hautement parlant (les grandes parties de la messe). D’autres découlent de ces rites principaux (Credo, Prière universelle) complètent, enrichissent, font le lien, conduisent d’un rite essentiel à l’autre ou les préparent (Notre Père, échange de Paix). D’autres enfin sont des manières de faire non essentielles, ou peuvent avoir une raison pratique (encensement, lavabo).
Pour exécuter les rites, le Concile Vatican II a parlé de « noble simplicité ». La beauté devrait être essentielle au rite. Bien malheureusement, on tombe trop souvent dans la banalité. Soit par manque de formation. Soit par une formation simplement théorique et non pas pratique. Soit par manque de sensibilité, de sens du beau. Il faut un certain sens artistique pour accomplir bellement un rite. Sans tomber néanmoins dans l’esthétisme. Le chant, la décoration, mais aussi la lecture, les gestes, la place du silence, etc., relèvent aussi de la technique artistique.
Tout cela dépend du prêtre qui préside, de l’assemblée qui célèbre, du cérémoniaire s’il y en a un, des acteurs qui ont préparé, des chantres, des servants d’autel, etc. Tout est au service de l’acte de foi que chacun est appelé, invité à poser. C’est ça le plus important : à un moment de la célébration, renouveler son adhésion au Christ et à son mystère.
Cela prend concrètement de laisser le temps et l’espace du déploiement et de l’intériorisation. Une lecture mal lue, trop vite, sans articuler, avec une mauvaise sonorisation, et sans silence après, ne laisse concrètement pas beaucoup de chance à l’acte de foi d’être posé. Pour peu que l’on soit mal installé et que l’on ait froid ou chaud, c’est fichu, à moins d’être un saint. Ou les oraisons : comment faire en sorte que l’oraison proclamée par le président au nom de tous et pour tous soit effectivement écoutée, assumée et intériorisée par tous ? Il y a quelque chose qui dépend de l’investissement personnel de celui qui écoute, mais aussi une partie qui dépend de celui qui préside, de la manière dont il proclame, et surtout peut-être dont il vit l’oraison.
Le rite et la vie
Continuer l’exercice dans la vie
La messe termine par « allez dans la paix du Christ » et on ajoute éventuellement « et glorifiez Dieu par votre vie ». Le rite n’a pas sa fin en lui-même. On y arrive avec toute sa vie, toute sa personne que l’on apporte en offrande. On en repart pour accomplir dans le quotidien, avec nos petits moyens, ce qui a été vécu en plénitude dans le rite. Le passage de l’extérieur à l’intérieur ne doit pas s’arrêter à la fin de la messe : on est appelé à vivre plus à l’intérieur de soi. Le rassemblement accompli à la messe ne doit pas se limiter au moment de la célébration : la proximité du Christ et du Père doit nous rapprocher de nos frères humains. La Parole de Dieu entendue est à vivre et à répercuter, à proclamer.
Le rite est comme un exercice à mettre en pratique dans la vie. La liturgie est le lieu d’une révélation, une révélation actuelle. C’est le moment de la Révélation qui advient pour nous dans le rite sacramentel. Répétons-le-nous : la Révélation n’est pas un fait du passé, même si l’on reçoit aussi le témoignage du passé. Dieu se révèle à nous aujourd’hui. Il veut une rencontre personnelle actuelle. Et cela se continue dans la vie. La relation à Dieu ne s’arrête pas à la fin de la messe. Elle se noue durant le rite pour se continuer durant la vie. Comme un moment familial fort qui renforce les liens.
Un guide pour la vie de foi
La célébration liturgique est donc un guide pour la vie de foi. Elle donne un cadre de mots et de gestes. Mais ce cadre n’est évidemment pas suffisant. Il ne fait rien tout seul. Un cadre est à habiter, dans un consentement à ce qui se passe. Pour qu’il contribue à l’unification de l’existence, il s’agit de donner forme au vécu, et de donner vie à la forme. Cela a pour conséquence qu’il n’y a pas seulement à faire un truc, mais à bien faire ce qui est à faire. Dans ce « bien » il ne s’agit pas d’une esthétique sophistiquée, mais ce qu’on y met de soi, la plénitude personnalisée de l’action. La « participation active » (expression du pape St Pie X reprise par le Concile Vatican II) n’est pas seulement une fonction dans l’accomplissement du rite. C’est un appel à engager tout son être, extérieur et surtout intérieur, dans l’action liturgique.
Tout cela est très délicat, une délicatesse relationnelle. Le point de discernement est l’amour du Christ et de ses frères : le Christ que l’on célèbre, et les frères avec qui on le célèbre. Ces frères sont ma communauté concrète (quelle qu’elle soit), mais aussi toute l’Église. Suivre la norme offerte par l’Église, c’est intégrer, s’approprier l’altérité. Habiter la norme de son génie personnel, ou plutôt du génie personnel de la communauté célébrante, c’est faire jouer la complémentarité source de fécondité. C’est le jeu de l’inculturation nécessaire à toute norme pour qu’elle devienne vivante, et d’où précisément elle jaillit de nouveau. La diversité devient équilibrante si elle est vécue dans la charité, toute diversité, notamment celle fondamentale du masculin et du féminin, car les frères sont aussi des sœurs.
Lieu et temps de l’unification
Le culte est une manière d’exprimer sa foi. Une des manières, qui est aussi une forme de vie, ou une des formes de la vie chrétienne. Cette forme peut en venir à prendre beaucoup de place, comme dans notre vie religieuse et en particulier monastique. Mais ce n’est heureusement pas réservé à la vie religieuse. Il y a quelque chose de particulier au culte, c’est l’aspect communautaire, fondamentalement chrétien. Il permet une mise ensemble des intériorités, car il procède d’une telle mise en commun.
Au cœur de la foi il y a la relation vivante, personnelle et ecclésiale, au Christ et au mystère pascal de sa mort, sa résurrection et son ascension à la droite du Père. Il y a la gratitude envers Dieu pour son Salut et la présence parmi nous du Ressuscité qui continue dans tous les temps cette œuvre de Salut. Le Christ vivant en moi me fait bouger. L’Esprit Saint me prend dans toute ma personne, il vient me mouvoir de l’intérieur, dans tout ce qui me constitue. L’expression de ma foi, de ma relation au Christ devrait donc prendre chair de ma vie concrète et dans ma vie concrète, de ma culture et dans ma culture, de mon langage et dans mon langage.
Le mystère célébré dans le rite puis vécu dans le quotidien participe de l’unité de vie, de l’unification de la vie. La forme – au sens fort, la forme intérieure – de la liturgie est immuable, mais la matière est changeante en fonction de la culture. La crèche est toujours la crèche, qu’elle soit provençale, napolitaine, sub-saharienne ou extrême-orientale. La matière diffère, mais la forme est la même, le sens est commun : Dieu s’est incarné dans l’histoire et la vie du peuple juif à un moment particulier, il vient aussi dans ma vie, là où j’en suis, dans ma propre culture, pour me mener à lui.