Archives de catégorie : Bibliothèque

Le Carême : joie du désir



La vision que l’on se fait du carême est souvent un peu sombre, triste, à cause des « efforts » et des « privations » auxquels on l’associe. Mais est-il vraiment un concours d’efforts et d’ascèse, de pénitence et d’abnégation ? Pas pour Saint Benoît. La joie du désir de Pâques est le cœur du Carême bénédictin, une joie suscitée par l’Esprit Saint. Le carême est préparation de LA fête, la grande fête de Pâques, et il est déjà tout pénétré de l’allégresse du salut.
Je vous invite donc à changer votre regard sur ce temps de grâce en lisant le chapitre que Saint Benoît lui consacre dans sa petite Règle. Poursuivre la lecture

Rencontre de Rébecca au puits, Sandrine Caneri



CANERI, Sandrine
La rencontre de Rébecca au puits, Exégèse rabbiniques et patristiques de Gn 24, 10-21, Cerf, Paris, 2014, 210 pages environ.

Onze petits versets qui esquissent en comparaison un périmètre bien étroit… Mais souvenons-nous « La vérité se creuse comme un puits. Le regard, quand il se disperse perd la vision de Dieu. »… (Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle, Pléiade, 516). Et de fait si l’on se souvient de la scène, cela sera suffisant pour y dessiner la margelle du puits qui va désormais présider à bien d’autres rencontres tout au long de la Bible et jusqu’au puits de Sichem (Jn 4, 1-42) changeant la destinée de bien des esseulés promis par Dieu à des noces au-delà de toute attente !
On se souvient en effet dans cette figure, première du genre, que c’est à la façon dont Rébecca va exaucer la prière d’Eliézer et puiser l’eau avec profusion allant bien au-delà de sa demande jusqu’à abreuver les chameaux de sa caravane, que le serviteur d’Abraham spécialement missionné par son maître pour ramener de la terre de ses pères une épouse pour son fils, reconnaît l’élue du Seigneur !
Recensant tous les auteurs majeurs qui ont commenté ce passage Sandrine Caneri nous propose alors de scruter le texte, pour en dégager le jeu des relectures successives avec leurs accents propres et leurs mystérieuses harmoniques.
Après l’établissement du texte dans ses variantes (massorétique/Septante), une présentation des sources et des auteurs, pour chaque verset sont ensuite citées les différentes interprétations données au fil des générations, avant qu’une synthèse ne viennent les réunir en bouquet spirituel !
L’apparat critique est léger mais pour qui ne connaît guère les Pères de l’Église et encore moins le corpus juifs des commentaires scripturaires, ce peut être un excellent ouvrage d’initiation tant par ses index, ses rappels introductifs présentant les œuvres et les auteurs retenus dans leur contexte que par le choix des citations qui en sont extraites.
Un livre en somme tout aussi stimulant pour les priants que les étudiants, les commençants que les « approfondissants » !

Puisse alors le lecteur de ces lignes qui leur fera confiance vivre ainsi de l’encouragement d’Origène qui a beaucoup creusé ce thème du puits au désert tout au long de sa carrière de « didascale » pour y faire jaillir les préfigurations qui annoncent les sources d’eaux vives qui coulent maintenant du côté du Seigneur !
« Étant donné que du puits jaillissent des sources », « essayons de réaliser […] ce que recommande la Sagesse quand elle dit [cela]. Essaye donc, toi qui m’écoutes, d’avoir un puits à toi et une source à toi ; de la sorte, quand tu prendras le livre des Écritures, mets-toi à produire, même selon ta pensée propre, quelque interprétation, et d’après ce que tu as appris dans l’Église, essaye de boire, toi aussi à la source de ton esprit.
À l’intérieur de toi-même, il y a le principe de « l’eau vive » (cf. Gn 26,19) Il y a les canaux intarissables et les fleuves gonflés du sens raisonnable, pourvu qu’ils ne soient pas obstrués par la terre et les déblais. Mais empresse-toi de creuser et d’évacuer les ordures, c’est-à-dire, de chasser la paresse d’esprit et de secouer l’engourdissement du cœur. Écoutez en effet ce que dit l’Écriture : »Tourmente un œil, il donnera des larmes ; tourmente un cœur, il donne l’intelligence. » (Sir 22,19) ». (Origène Homélies sur la Genèse, X,5.)
« En réalité, les puits de notre âme ont besoin d’un puisatier qui les creuse ; il faut les nettoyer, il faut déblayer tout ce qui est terrestre pour que les nappes de pensées raisonnables que Dieu y a enfouies émettent des filets d’eau pure et sincère. » (Origène Homélies sur les Nombres, XII,1)
« Purifie donc, toi aussi, ton esprit, pour qu’un jour tu boives à tes sources et puises l’eau vive à tes puits. Car si tu as reçu en toi la parole de Dieu, si tu as reçu de Jésus l’Eau vive, si tu l’as reçu avec foi, elle deviendra en toi « source d’eau jaillissant pour la vie éternelle », par le même Jésus-Christ notre Seigneur à qui appartient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen. » (Origène Homélies sur la Genèse, X, 5)

Les déserts de Dieu, Yves Raguin



RAGUIN, Yves, s.j.
Les déserts de Dieu, suivi de : Dans l’attente de la vision, Editions Lessius, Bruxelles, 2015, 311 pages.

Les déserts de Dieu suivi de Dans l’attente de la vision est constitué de quatre vingt méditations inédites du Père Yves Raguin s.j. qui de son vivant n’ont été distribuées qu’aux amis proches sur le modèle de la « lettre spirituelle ».
« Entre la grasse Égypte et la terre promise il y a toujours un désert » lit-on en exergue. Entre la grasse Égypte, où le peuple élu est partagé entre l’esclavage du travail et la consolation de la consommation (Nombres 11, 5), et la Terre promise tout au bout du chemin, il y a ce désert déroutant au tout au long duquel « Dieu convie ceux qu’il aime à la table qu’il prépare de ses propres mains dans la solitude du désert » et leur « sert la manne, les cailles et l’eau qu’Il fait couler du rocher »
D’une profonde simplicité, ces pages limpides « résonnent des accents de St Jean de la Croix et de Bernard de Clairvaux ». Recueillies et retravaillées sur plus de 20 ans par un fils de Saint Ignace, elles témoignent aussi de ce sain réalisme qui se veut attentif au véritable enracinement de la vie spirituelle dans une vie humaine accomplie, comme le manifeste par exemple le prologue :
« Pour l’adolescent qui entre dans la période de maturité, le désert devient un élément essentiel. Il est le lieu de formation de la personnalité. A cet âge l’homme est capable de lutter corps à corps avec la solitude et d’en triompher dans un approfondissement de sa personnalité.
Essayer de fuir ce désert, c’est se condamner à rester dans un état d’enfance. Il semble que chez beaucoup de nos contemporains cette peur du désert est devenue comme instinctive. On parle beaucoup de communauté, de relations interpersonnelles, on sent le besoin impérieux d’ « être avec »… Si cette tendance en arrive à supprimer l’attrait du désert, je crois qu’il risque de manquer un élément essentiel à la formation humaine. »
Elles visent donc à nous faire partager l’expérience d’une rencontre, d’un compagnonnage dans la solitude, du jeu de Dieu qui donne parfois l’impression de se jouer de nous, mais nous soutient fidèlement, même si nous n’y comprenons plus rien, pour peu que nous Lui fassions confiance. Qu’il est bon alors d’entendre une voix fraternelle pour nous encourager à lâcher prise là où il faut sans lâcher pied ! S’en suit alors pour qui accepte de lui emboîter le pas un chapelet de plus de 80 méditations de deux à trois pages, non pour faire le tour du monde avec Jules Verne, même si l’auteur a lui aussi beaucoup voyagé avant de se fixer à Taiwan mais pour scander ce temps de préparation à Pâques d’une ou deux méditations par jour et nous préparer par une attente active, c’est-à-dire attentive à reconnaître les signes du passage de Dieu qui nous entraîne toujours au-delà dans une rencontre renouvelée avec l’autre aussi différent soit-il tant il est vrai que « l’altérité de Dieu est d’abord ressentie dans l’abîme d’une altérité vécue » (B. Vermander, préface p.13)

« Lorsqu’il achève Les déserts de Dieu, Yves Raguin (1912-1998) s’apprête à entrer dans sa 56e année. Tourangeau, entrée au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1930, il a commencé des études de chinois en 1942, études qu’il poursuit de 1946 à début 1949 à Harvard. Il arrive en avril de la même année dans Shanghai assiégée, dont il sera expulsée en août 1953. Il dirige l’équipe du Dictionnaire Ricci à Taiwan à partir de cette date, et enseigne l’histoire chinoise et la philosophie bouddhiste au Vietnam de 1959 à 1964. Rentré à Taiwan, fondant et dirigeant l’Institut Ricci de Taipei, il exercera une activité de conférencier et directeur spirituel en Asie, en Amérique du nord et en Europe. » rappelle Benoît Vermander s.j., successeur deY. Raguin à l’Institut Ricci, au tout début de sa préface au livre.

Avec Guigues : la pratique de la lectio divina



On sait très peu de choses sur la vie de Guigues II le Chartreux. Il devient le 9ème prieur de la Grande Chartreuse en 1173 ou 1174. Il meurt en 1188 en ayant laissé une œuvre essentielle sur la « lectio divina ».
Guigues, dans une magnifique « Lettre sur la vie contemplative » (1), explique à un disciple ce qu’il appelle l’Échelle des Moines, et qui correspond à la pratique monastique que l’on propose maintenant plus fréquemment dans l’Église sous le nom de « lectio divina ».
En voici quelques extraits à manger, ruminer, savourer, digérer… et mettre en pratique !
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Humilité, douceur, patience



A coller parfois sur son dos ?
A coller parfois sur son dos ?

Reconnaissons-le : parfois, pour nous aborder, il faut prendre des pincettes… Pour diverses raisons, l’explosion menace ! Une simple parole mal formulée peut tout enflammer… Si nous ne voulons pas avoir à coller régulièrement sur notre dos un panonceau comme celui-ci (extrêmement inflammable !), il nous faut suivre le conseil de S. Paul : « Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience » (Ep 4, 2). Le contexte d’où est issue cette admonition est une exhortation à l’unité. Pour vivre bien avec d’autres, dans l’unité, il est nécessaire de mettre en pratique ces trois belles vertus que sont l’humilité, la douceur et la patience.

Après une courte présentation de ce qu’est une vertu, nous méditerons successivement sur ces trois forces intérieures :

Qu’est-ce qu’une vertu ?
L’humilité
La douceur
La patience
En conclusion

Qu’est-ce qu’une vertu ?

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Courrier 26, 2014



Vous aurez la joie de pouvoir lire et télécharger votre Irrégulomadaire préféré en cliquant ici :

Irrégulomadaire 26

Vous y trouverez :
  • Éditorial (P. Abbé)
  • Olympias, une femme libérée (Fr. Jean-Gabriel)
  • Le billet du libraire (Fr. Théophane)
  • Livre posthume de notre père Jean (La rédaction)
  • Les tribulations de notre « tisane » (Fr. Benoît)
  • Chronique 2014 (Fr. Vianney)
  • L’année de la vie consacrée (pape François)

Bonne lecture !

La Grâce d’être père



Cet article est la parole d’un abbé bénédictin qui nous invite à redécouvrir ou approfondir la beauté de la paternité humaine, le Don, la Grâce d’être père. Il est le fruit de l’expérience d’un homme, expérience puisée dans la lectio divina, la méditation de la Bible, dans l’accompagnement spirituel, dans la pratique de la Règle de Saint Benoit, ainsi que dans sa vocation de moine et de supérieur de la communauté de Maylis. Il s’agit du texte d’une conférence donnée en 2006.

J’ai choisi ce titre pour mon exposé pour deux raisons :

  • D’une part parce que s’il est vrai que toute paternité sur terre découle de la paternité divine, c’est certainement une grâce d’exercer ce service : être père au nom du Père céleste ! Que peut-on souhaiter de mieux ?
  • D’autre part l’expression « la grâce d’être père » renvoie au titre du très beau livre de Georgette Blaquière « La grâce d’être femme », que beaucoup connaissent. Ce parallèle veut montrer que c’est beaucoup la femme qui va aider l’homme à être père, papa.

On ne naît pas père, on le devient, et dans cette maturation l’épouse aura un rôle très important à jouer pour aider son mari à devenir papa. De même d’ailleurs que l’homme pourra beaucoup aider la femme à devenir pleinement femme.
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul, constatait Dieu dans la Genèse, je vais lui faire une aide qui lui soit associée. »

Plan :

De la fusion à l’identité
La loi
Le dialogue
Aider chacun à devenir ce qu’il est dans sa sexualité
Le père authentifie le don propre de chacun
Le père face au don propre de la mère
En conclusion

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Lumières sur le Purgatoire



La doctrine du purgatoire

… est tardive dans l’histoire de l’Église. Elle n’a été définie comme une vérité de foi qu’au Concile de Florence (1439).

Si ceux qui se repentent véritablement meurent dans l’amour de Dieu, avant d’avoir par des fruits dignes de leur repentir réparé leurs fautes commises par actions ou par omission, leurs âmes sont purifiées après leur mort par des peines purgatoires et, pour qu’ils soient relevés de peines de cette sorte, leur sont utiles les suffrages des fidèles vivants, c’est-à-dire : offrandes de messes, prières et aumônes et autres œuvres de piété qui sont accomplies d’ordinaire par les fidèles pour d’autres fidèles, selon les prescriptions de l’Église. (Denzinger 1 304)
Le Concile de Trente (1563) reprend et approfondit ces vérités face aux Réformateurs qui les niaient :

L’Église catholique, instruite par l’Esprit Saint, à partir de la sainte Écriture et de la tradition ancienne des Pères, a enseigné dans les saints conciles et tout dernièrement dans ce concile œcuménique qu’il y a un purgatoire et que les âmes qui y sont retenues sont aidées par les suffrages des fidèles, et surtout par le sacrifice de l’autel si agréable à Dieu. Aussi le saint concile prescrit-il aux évêques de tout faire pour que la saine doctrine du purgatoire, transmise par les saints-Pères et les saints conciles, soit l’objet de la foi des fidèles, que ceux-ci la gardent, et qu’elle soit enseignée et proclamée en tous lieux.

On exclura des prédications populaires auprès des gens sans instruction les questions plus difficiles et subtiles, qui ne sont d’aucune utilité pour l’édification, et desquelles la plupart du temps la piété ne tire aucun profit. On ne permettra pas que soient divulgués et abordés des points incertains ou qui sont apparemment faux. On interdira, comme scandaleux et offensant pour les fidèles, tout ce qui relève d’une certaine curiosité ou de la superstition ou tout ce qui a indécemment un goût de lucre. (Denzinger 1820)

Plan :

D’où ça sort ?
Qu’est-ce que le purgatoire ?
Comment éviter le purgatoire ?
Comment aider les âmes du purgatoire ?
Conclusion

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Lectio Divina : Points de repère



Comment discerner la voix de Dieu parmi les mille voix que nous entendons chaque jour dans ce monde ? Dieu parle avec nous de différentes manières. Naturellement, il parle surtout dans sa Parole, dans la Sainte Écriture, lue dans la communion de l’Église et lue personnellement dans un dialogue avec Dieu. Elle est appelée traditionnellement Lectio Divina. Il importe d’encourager vivement surtout cette pratique de la lecture de la Bible qui remonte aux origines chrétiennes et qui a accompagné l’Église au long de son histoire.
Voici quelques conseils pour vous aider à la vivre.

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